vendredi 9 mars 2018

Écrire ou la révélation des névroses



 

 

Longtemps, j’ai cru pouvoir faire usage de ma mémoire pour ériger une cathédrale littéraire originale à la manière de Proust. À presque 45 ans, je découvre que j’ai tout à apprendre et dois copier de la musique comme Bach avant de faire mon come back à mon projet original.

 

Longtemps j’ai cru que la mémoire était la seule matière première qui fût digne d’inspirer une œuvre littéraire. Aujourd’hui, je regrette presque que l’alcool m’ait fait gagner en mémoire ce que j’ai perdu en imagination. On écrit à temps perdu, pour perdre son temps ou retrouver le temps perdu.

 

Je m’aperçois aujourd’hui qu’on travaille moins sur ses souvenirs que sur ses névroses. Le vaste mouvement d’auto-fiction dans lequel nous sommes plongés est le symptôme d’une époque traumatisée qui n’est plus capable de se réinventer.

 

Je suis observateur de moi-même et je travaille sur moi, et je travaille sur mes névroses, non pas pour les guérir, mais pour les rendre transparentes à force de les révéler. Il ne faut pas se soigner car on ne mourra pas guéri, il faut vivre incurablement.

jeudi 8 mars 2018

Juste avant l'apoptose


Nous autres poivrots, nous savons que nos cellules sont mortelles et que l’apoptose est devant nous. Nous ne faisons que la manifester plus manifestement.

« Vous, Julien, vous êtes trop destroy, me disait Laurence Loisier, assistante sociale de Robert buron qui permit à Nathalie de retrouver Kevin.

- Excepté que je ne détruis que moi-même », objectais-je sincèrement. Les choses ne sont jamais si simples et la destruction est toujours contagieuse, mais la faute n’en est point au malade.

 

Parlons plutôt de l’âme ! Agnès publie sur son mur : « Et si l’âme est chère à l’homme,
Souvent l’homme chérit la lame.
Là où l’homme a mis la lame,
L’âme a mis les voiles. »
(Vianney - chanteur)

 

 

Je n’ai pas mordu à l’hameçon de l’âme-chair, mais il me souvient à présent que j’en avais fait un poème qui s’appelait Les fourmis. Je l’avais rédigé à chante-merle, maison de repos psychiatrique où Nathalie prenait le frais. Nos simulacres avaient été moins anodins que d’habitude, sans que nous ayons consommé notre amour jusqu’à la pénétration – mon sabre n’avait point consenti à transpercer l’hymen -.

 

« Vianney se trompe, Agnès, car la Parole de Dieu est une épée à deux tranchants. »

En étant peut-être moins péremptoire, on peut envisager à la fois une certaine souplesse de vue et aussi de la poésie allitérative...

J'ai cessé d’allitérer à propos de l'âme du jour où un astrologue karmique et sidéral transpersonnel (je crois décliner à peu près correctement son métier tel que lui-même le définissait) m'a fait connaître ma méprise: là où j'entendais "l'âme du tareau", il fallait lire "lame".

 

Qu'oyais-je ? Il fallait trancher l'âme avec des lames ? Le pape, le diable et qui sais-je ? Pas osé aller plus loin de crainte que la terre me vomisse, peine à laquelle le Lévitique condamne ceux qui s'adonnent aux arts divinatoires. Mais réfléchissons. Trancher l'âme. Les divisions que nous faisons en elle entre la raison, les passions et les aspirations, l'appétif, le sensitif et l'intellectuel, ne sont-elles pas autant de manières de la couper en rondelles pour la vendre au détail? Notre âme serait la proie de ses alégories. Ou autre position moderne du même vieux problème: quand je m'inscris sur un réseau social, je m'abonne au flux de telle âme avec qui je désire communiquer. Or que me livre-t-elle ? Telle un serpent à sonnette, elle ne m’envoie que ses ondes réactionnelles, par lesquelles elle pare vénéneusement à ce qu'elle envisage a priori comme une agression. Agression-réaction. On est passé du réactionnaire au réactionnel. Du coup on se place dans une configuration très thérésienne d'Avila dans Le Château intérieur: On a soif des dernières demeures de l'âme de ceux qu'on aime et on n'est invité que dans celles où il y a des bêtes. Le moyen d'en sortir? Peut-on parler hollistiquement de l'âme? ô Agnès! Forgez l'esquisse d'une théorie, d'une thérapie ou d'un discours! Le défi emphatique est plus sérieux qu'il y paraît. »

 

Agression sexuelle ? #BalanceTonPorc ? Le Lévitique ferait mieux de condamner les peine-à- jouir. J’ai de plus en plus envie de me vider les couilles, mais sans objet grand A. Inquiétude. Et dire qu’il fut des carêmes où je prenais la résolution : « Ne plus me masturber ! » En moyenne, je la transgressais une fois par carême. J’allais laver mon sexe de l’empreinte de la pollution et, après mon sexe, c’était ma vocation que je rendais velléitaire : « Je ne céderai pas à cette fille qui, dans un accès de désespoir,m’a supplié : « Reste avec moi ! » Dans un article que j’intitulais esprit du monde, vice et solitude, je posais, sans appel, ce diagnostique : « Tu t’aimes toi ! Tu ne peux pas aimer les autres puisque tu les désires. Tu ne dois pas aimer les autres en les désirant. » J’ai châtré mon désir de passer ma vie avec ma suppliante. Elle n’est plus. Elle n’est pas morte de ce que j’aie cessé de la désirer – je n’ai jamais cessé -, mais c’est tout comme. Chez moi, des années plus tard, je l’entendis sur le lit du bas accompagner son désir d’être mère d’un souffle qui aurait pu mettre un enfant au monde. Elle ne voulait plus faire d’enfant avec moi. Elle n’est plus. De ce que je ne l’ai pas désirée au bon moment, elle laisse deux orphelins.

 

lundi 5 mars 2018

En l'honneur de la guerre


Pourquoi je lis Maurras ? Parce qu’il est le meilleur interprète de l’hypothèse 1 que j’avais formée quand j’étais enfant lors d’une messe pour De Gaulle que je croyais être une messe en l’honneur de la guerre. « En ce jour où nous célébrons certains de nos héros morts au champ d’honneur, que leurs exemples soient par nous imités. »

 

Je venais de retrouver la foi, et cela donna lieu à une méprise presque immédiate : l’Eglise était pour la guerre, donc Dieu était pour la guerre, donc Dieu était méchant. Ou bien c’était l’Eglise. Ou bien Dieu n’existait pas. Je ne me souviens plus dans quel ordre s’articulaient mes hypothèses, mais je crois que c’était dans celui-là. Toutes étaient collationnées dans un journal intime. Ma période de recherche devait se conclure par un entretien avec un prêtre ami qui aurait dû dissiper le doute. Mais il était trop faible d’arguments, et le doute ne se dissipa pas. Au fond il ne se dissipa peut-être jamais.

 

Je détestais par-dessus tout les bourgeois (j’ai assez peu changé d’avis), que je trouvais coupables de christianisme sociologique (je formulerais cette critique quelques années plus tard), sociologique et fourbe, de dire et de ne pas faire, de croire en mentant, de christianisme en Jaguar.

 

Ce que j’aime en Maurras, c’est qu’il croit que Dieu n’existe pas ou est méchant, qu’il le croit et ne fait pas semblant, qu’il le croit et qu’il le dit, qu’il dit même que l’Eglise doit être méchante, là où tant d’autres font assaut d’une charité factice, d'une charité qu’ils ne vivent pas.