Très belle fête que celle de l'Immaculée Conception. Très belle et si mal comprise, voire souvent ridiculisée.
Il y a d'abord la confusion classique entre l'Immaculée Conception et la conception virginale de Jésus dans le sein de Marie, confusion qu'il faut redresser en rappelant que l'Immaculée Conception désigne Marie comme la seule créature préservée du péché originel dès avant sa naissance. Ce qui soulève immédiatement une autre objection: "Mais alors son Fiat n'a aucun mérite." Au contraire. Car le péché ne consiste pas à dire "non", il consiste à ne dire ni oui ni non. Il y a une dimension du péché qui tient à la médiocrité. En étant préservée du péché originel, Marie était préservée de la médiocrité. Elle pouvait dire ou oui, ou non, et elle a dit oui.
Mais ce n'est pas tout. On dit que la mort vient du péché. Je préfère cette citation du Siracide: "C'est par l'envie du malin que la mort est entrée dans le monde." Cela revient au même. Or le dogme de l'Immaculée Conception précise que "c'est par une grâce tirée de la mort de Son Fils que Marie aurait été préservée du péché." C'est donc par une conséquence du péché que Marie a été faite "plus jeune que le péché", selon le mot de Bernanos. Et préservée par son Fils, à la fois Verbe co-éternel au Père" qui "épelait le Nom de Marie" dans le sein du Père (Claudel, "le Partage de midi") bien qu'Il fût un être plus jeune qu'elle selon la chair et selon l'humanité.
Marie est préservée du péché originel, mais ce n'est pas pour plastronner au son des cantiques triomphants de la surenchère mariale. Marie, parce que cette grâce est issue d'après le péché et surtout de "la mort de son Fils", est consciente ou sait inconnsciemment dès l'annonce de l'ange qu'elle va enfanter "un être pour la mort", que cet enfant va la transpercer du glaive de son indépendance ("qu'y a-t-il entre toi et moi?"), qu'à peine Jésus sera-t-Il né, le dragon de l'Apocalypse cherchera à le dévorer et qu'elle-même sera retirée au désert de l'attente infinie de l'incomblement maternel.
C'est-à-dire que Marie, en prononçant son "fiat", dé-pèche la maternité. Elle est la nouvelle Ève parce qu'elle fait le chemin d'Ève à l'envers: quand Caïn est né, Ève s'est écriée: "J'ai acquis un homme" et ce cri maternel l'a rendu criminel. Marie s'est dépossédée et sa dépossession a entraîné la naissance de celui qui apporterait à l'humanité "l'abondance du rachat".