La question n'aurait pas déplu à Gainsbourg qui, jusqu'à son dernier souffle et jusqu'en son hôtel de Vézelay où il n'expira pas, mais passa le jour d'avant sans entrer dans la basilique, croyait au diable et pas en Dieu, à mon indignation extrême.
"L'autre monde et les preuves matérielles." "Quelqu'un aurait beau remonter de chez les morts, vous ne le croiriez pas", dit le pauvre Lazare au mauvais riche par la bouche de Jésus. Et Jésus en a fait les frais: Il est ressuscité, mais on ne le croit pas, sauf à ce qu'Il se dise puissance de résurrection.
"Le diable est très à la mode", dit le diable du cauchemar d'yvan Karamazov aux petites marchandes qui lui vendent des fioles pour le guérir de ses rhumatismes et autres infections dues au gel des esprits.
Le diable est un pique-assiette aimable toujours prêt à entamer la conversation si le propriétaire de la conscience délaisse ses angoisses ("Dieu veille sur les angoissés") pour lui donner licence de le divertir.
"On m’a fixé de nier alors que je suis réellement gentil et que je ne suis pas du tout capable de nier." Moi non plus, mais j'ai l'esprit de contradiction à couper au couteau tous les cheveux en quatre jusqu'à les écarteler et les faire tirer par quatre chevaux.
"J’ai beau être ton hallucination, comme dans un cauchemar, dit le diable, je dis des choses originales, des choses qui ne t’étaient jamais venues à l’idée et donc ce n’est pas du tout que je répète tes pensées et malgré ça, je ne suis que ton cauchemar."
Tout de même, il y a quelque chose qui cloche, un télescopage sémantique, si le diable est symbolique. Car le symbole unit et le diable divise. Le symbole est le contraire du diabolos.
Et tout de même, le diable est symbolique. Comme les fantômes, il n'existe pas. Mais ça crée un télescopage sémantique, une distorsion entre le mot et la chose, ça tend leur monde commun alors qu'au terme des recherches de Saussure, l'arbitraire du signe débouche sur les anagrammes, où tout est récapitulé, du sens qu'ont les choses signifiées par les signes arbitraires. #ÉtienneKlein ne cesse d'en faire la démonstration dans ses "Anagrammes renversantes".
Mais le diable est symbolique. Enfer et damnation! Si le diable est symbolique, il cesse d'y avoir coïncidence entre les signes et le sens, et le langage ne cesse de rêver à la coïncidence, mais seul cette distorsion lui est donnée, cette disjonction dans le réel entre le matériel et le néant, dans cette langue des signes intraduisible malgré l'Esprit de Pentecôte, dans cette langue des signe que ce n'est pas le diable qui a embrouillé, langue des signes à qui n'est pas donné le bonheur de la traduction, mais seulement les champs magnétiques et les désordres de la synchronicité.
Le brouillage des langues arrivé dans l'échafaudage de la tour de Babel -bien que les langues soient données avant d'être brouillées -et soient données sans don des langues- déréalise le rêve du langage de coïncider avec le réel comme le fait le Verbe, qui le construit. Le Verbe est l'arbre de vie dans le dos du réel. Il en est la colonne vertébrale.
Le diable est symbolique, dans une réunion malencontreuse qui, par rencontre, pourrait faire croire que Dieu le soit aussi.
Mais Dieu ne peut pas l'être, Dieu ne peut pas être symbolique. Car Dieu me soulève au-dedans de moi pour me faire voir les phénomènes et me donner, non l'illusion, l'énergie d'arrêter les orages et d'apaiser les tempêtes en me faisant obéir du vent.
Dieu a mis le ciel en mon âme et me soulève au-dedans de moi, depuis la zone où je rampe pour penser en croyant que je suis.
Je crois savoir, je crois que je ne sais pas, je sais que je ne crois pas, je ne crois pas que je sais, je ne sais pas si je crois...
L'esprit du panantéisme me souffle de demander à Dieu qui est le dynamisme créateur que monte en moi l'Esprit pour ressembler au Christ qui est puissance de résurrection sans que résurrection soit puissance, sans qu'on doive ne s'emparer de la puissance de sa résurrection que pour guérir les hommes qui mourront guéris.
* Dostoïevski, "les Frères Karamazov",livre XI, "le Diable et le cauchemar d'Yvan Karamazov".