Aujourd’hui, à sainte-Marthe, le pape a égrainé les sept douleurs de la Vierge Marie. Le chapelet de ces sept douleurs est son angélus du soir. Mais l’Église les a mal réparties :
- D’abord elle a oublié une douleur géo-céleste : quand l’enfant naît, Marie est « enlevée au désert », déclare l’Apocalypse. Marie est au désert jusqu’à la parousie comme le Christ est en agonie jusqu’à la fin du monde. C’est depuis ce désert qu’ele nous parle en des apparitions catastrophistes.
- Mais l’Église fait également l’impasse sur l’Évangile comme la prédication apostolique, du premier discours de Pierre à l’annonce de Paul dans les différentes villes où il passe,mentionne par omission l’enseignement de Jésus pour la vie dans ce monde, art de vivre qui nous mène de la terre au ciel.
Pour Marie, on reconnaît bien ses douleurs dues à l’enfance du Christ : douleur de la fuite en Égypte qui donna lieu à tant d’épisodes farfelus et merveilleux des Évangiles apocryphes ; douleur de la fugue de Jésus reclus au Temple et qui discute avec les docteurs de la loi comme un enfant de l’étude rompu aux polémiques. L’Église signale bien que la prophétie de Siméon transperce le cœur de Marie du glaive dont la menace le vieux prophète, parce qu’on en voudra à la vie de Jésus. Elle Mais quand Jésus, au cours de sa vie publique, transperce Marie du glaive de son indépendance,l’Église fait motus, car elle veut bien que Marie, mère de Dieu, souffre des incartades ou « bêtises » de l’enfant Jésus, mais pas des aspérités de Jésus qui se pose en adulte et en homme libre face aux siens et face à sa mère, ne faisant qu’un qu’avec son Père du ciel.
Car Marie, l’Église la veut mère et non pas femme, soit dit par un ancien enfant traumatisé de ce que sa mère lui eût répété : « Tu me regardes comme une mère, mais tu n’acceptes pas que je sois aussi une femme. » C’étaient paroles abusives dites à un enfant ; mais ce sont paroles abusives de Marie, notre mère, aux enfants que nous ne sommes plus, aux « hommes faits » (au sens générique) à qui elle parle essentiellement quand elle apparaît, que ces paroles de chantage : « Si vous ne vous convertissez pas, mon Fils fera pleuvoir sur vous des catastrophes, fera se gâter vos récoltes (la Salette), laissera la Russie « répandre ses erreurs dans le monde si le pape ne la consacre pas à mon Cœur immaculé (Fatima), comme c’est caprice d’enfant gâté quand Jésus parle du figuier desséché qu’Il fait brûler parce qu’il n’a pas produit de figues au moment où Jésus vent en manger (trace des écrits apocryphes dans les Évangiles canoniques ?) ; chantage (ou constat d’une loi de cause à effet ?) quand Jésus dit : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 5) ; et chantage incontestable que la logique des impropères du vendredi saint : « Toi, tu ne m’as fait que du mal et Moi, Je ne t’ai fais que du bien. » Chantage encore que la relation de Jésus aux mystiques sur le mode : « Gratuitement, j’ai donné ma vie pour toi ; j’ai donné toute ma béatitude pour mourir pour le néant que tu es, tellement je t’ai aimé.e ; répare mes incomparables douleurs ; répare le don gratuit que j’ai fait en te donnant ma vie. Console mon cœur immaculé de fils », « de mère. »
Cela arrive encore une fois parce que l’Église ne voit Marie que comme une mère et non comme une femme et parce que la prédication apostolique met l’accent sur le kérigme et fait l’impasse sur l’Évangile . Quelle femme en effet a été Marie si le seul élément marquant de sa féminité a été de consentir à ce que l’ange lui annonçait ? Et quant aux apôtres, pourquoi leur prédication de Jésus mort et ressuscité n’est-elle pas innervée de la prédication évangélique ? L’Église d’aujourd’hui essaie de rattraper ce mauvais pas, mais au prix de ramener le ciel sur la terre, l’essentiel dans l’existentiel, de faire de la Résurrection du Christ avant tout une modalité de la vie anthume, de faire de Marie une femme chef de meute car figure de proue de l’Église,qui marche en avant d’elle (cf. « Lumen gentium » VIII). De même elle doute de tous les dogmes sur lesquels sest bâti le christianisme primitif, à commencer par le péché originel.
L’Église primitive a fait l’impasse sur l’Évangile et l’Église d’aujourd’hui fait l’impasse sur le kérigme. « Je crois dans le Christ mort et ressuscité », dit la première Église ; « je crois dans le Christ qui a parlé », dit l’Église d’aujourd’hui.
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