mardi 4 mai 2021

La création par le néant

<p> "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?" Feuerbach  répond à la question de Leibniz: 

"Le monde existe parce que c’est une absurdité que le monde n’existe pas. Le monde provient de sa propre nécessité. La vie est nécessaire à celui qui ne vit pas. Ainsi c’est la négativité comme disent les philosophes spéculatifs,  c’est le néant qui est le fondement de l’univers, mais un néant qui se détruit lui-même, un néant qui existerait par impossible si le monde n’existait pas." <p>


Feuerbach est un immense théologien apophatique. Le monde naît du besoin qu'on a de lui sans qu'il soit besoin de l'imaginer créé par un Dieu sans besoin, un Dieu suffisant, un Dieu qui ne souffre pas et qui peut se passer de vis-à-vis toute une éternité avant le temps de l'homme et même le temps de l'univers. Cela me choque et je n'aime pas la suite de la citation de Feuerbach dont le génie est d'imaginer que c'est la raison et la conscience humaine qui sont sans limite: "C‘est d'un besoin, d’un manque que provient l’existence en général; mais c’est une fausse spéculation que de faire de ce manque

un être ontologique, un Dieu, car ce manque n’existe

que dans la supposition que rien n’existe." <p>


Cela rejoint ce que me disait récemment un psychanalyste, ancien élève de Lacan, que la psychanalyse, c'est d'apprendre à manquer. Ça n'a nullement pour objet de rendre heureux ou de guérir. Mais alors, c'est du stoïcisme? Un peu comme quand Krischnamurti se met à parler de l'amour et de la relation impossible entre deux êtres. La lucidité est un fluide glacial. Beaucoup de parades stoïciennes se cachent derrière un trompe-l'oeil énergétique qui puise dans l'envie qu'il nous donne d'espérer et d'exercer la moins évidente des vertus, comme l'a (ou peu s'en faut) nommée Péguy. <p>


L'homme Jésus, la deuxième personne de la Trinité, "la seule qui compte pour la religion" dit Feuerbach car il faut transformer les attributs en un sujet humain, s'inquiète: "Quand le Fils de l'Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?" Certainement elle l'aura désertée, mais au ciel, la foi et l'espérance auront disparu, seule la charité subsistera. Parce qu'il n'y en aura plus besoin, hasarde-t-on. Sans doute, mais on a toujours besoin de croire en ce qu'on voit, même si l'espérance étant réalisée, elle n'aura plus de raison d'être, on n'aura plus à réveiller cette vertu miraculeuse dans la vision béatifique dont notre nature limitée redoute qu'elle rime avec ennui. <p>


Certes la psychanalyse est un apprivoisement stoïque du manque originel. Et pourtant elle croit au miracle, elle croit au miracle de la parole, elle croit à ce qui s'apparente à la parole de connaissance, elle croit que l'arbitraire du signe signifie, de la même manière que Saussure posait la coïncidence de l'anagramme comme le terme du non choix de signifier par le signe, le symptôme faisant exception, qui ne somatise que pour symboliser. <p>

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