A l'invitation de Thérèse, nous sommes allés tous les deux écouter la conférence que donnait Mgr Doré sur :
"Quel prêtre pour demain ?"
En aparté de ce qui va suivre, Mgr doré y exprimait entre autres que le monde ne s'intéressait plus du tout à l'Eglise ; je lui demandai, au cours des salutations qui suivirent s'il ne pensait pas que, si le monde ne s'intéressait plus à l'Eglise, ce n'était pas que l'Eglise ne s'intéresse plus qu'à elle-même. Mgr Doré exhortait aussi les laïques à ne pas hésiter à prendre la parole dans le monde. Je lui ai fait remarquer qu'il oubliait peut-être de les inviter à prendre la parole dans l'Eglise. On a beaucoup mis en valeur le diaconat ou "ministère du seuil, de la porte, du parvis". On a permis que les diacres parlent en chaire. (Le parvis mènerait-il à la chair ?) Les laïques n'ont jamais reçu une telle invitation à s'exprimer, ni pour partager l'Evangile à l'occasion d'un échange qui eût lieu au cours d'une messe, ni pour apporter un regard original à travers une homélie qui leur serait spécifiquement confiée.
Mgr doré notait qu'il ne se trouva jamais d'époque, historiquement, où les fidèles n'eussent été bien informés du contenu de la Foi qu'ils confessaient et que, dès lors, c'était aux clercs à leur enseigner le contenu de cette Foi. Mais une chose est que les clercs enseignent, une autre est qu'ils sachent à la fois enseigner et actualiser. Le cléricalisme a jadis confié au laïcat, comme une tâche de relégation, la charge du temporel. L'Eglise qui a suivi le dernier concile se défend beaucoup d'être restée cléricale, mais elle n'oserait pas donner la parole aux laïques. Eclésiocentrique comme il y a des "egos" qui se croient le nombril du monde, cette institution qui se dit "experte en humanité", rien que ça, ne sait plus parler aux hommes. Elle est au service de la "religion du verbe" et elle accompagne la mort du langage parce qu'au moment où elle a pris conscience qu'il y a un "peuple de Dieu", elle réduit aussitôt ce peuple au silence et en "troupeau" : elle le traite de manière pastorale et ne dit certes plus son rosaire, mais rabâche sa messe, certes non à la façon des messes basses qui étaient annonées en latin, mais à quoi rime-t-il qu'on ait perdu son latin si les prières eucharistiques sont rédigées de façon tellement littéraire qu'il faut être drôlement versé dans le langage de la religion pour les comprendre ? Je reste marqué par cette anecdote que racontait le Père Daniel ange, le même à qui il arrivait en privé de célébrer une messe de Saint-Pi V avant que le"motu proprio" du souverain pontife actuel ait réputé invalide la pseudointerdiction dont ce rite, proclamé ad perpetuum quatre siècles plus tôt, avait été frappé : eh bien, ce prêtre, qui faisait ses délices des beautés latines du rite romain, un jour qu'il se trouva mis en présence d'une assistance composée de malades psychiques, vit l'impossibilité où il serait de leur faire comprendre ce pourquoi on allait prier pendant la messe et passa le temps qu'il avait à prononcer la prière eucharistique à faire de la traduction simultanée. Je ferai appel à une autre personnalité pour apporter de l'eau au moulin de daniel ange : Thierry Ardisson, un catholique d'un autre genre qui, comme on lui demandait ce qu'il pensait de la messe, répartit :
"La messe, très bien, mais mal produit !"
Thierry Ardisson a été publicitaire. Il y avait peut-être quelqu'expertise dans son avis.
Au sortir de la conférence, Thérèse et moi allâmes prendre un thé dans mon tout nouvel appartement. Elle me dit qu'à la dernière rencontre des amitiés judéochrétiennes à laquelle elle avait participé, un pasteur leur avait parlé de la sainteté. Il en ressortait que la sainteté avait été de tout temps associée à la pureté et à un appel au dépassement et à la perfection, en regard de la perfection divine. Le premier Testament avait particulièrement mis l'accent sur ce point. L'une des façons dont cela s'illustrait était que dieu s'y montrait jaloux que le peuple ne se fît pas d'idoles pour les adorer de concurrence avec Lui. Je marquais à Thérèse que la récurrence de l'antiidolâtrie comme light-motiv de l'Ancien testament devenait une obsession pour moi qui me demandais si je ne livrais pas mon âme aux idoles après avoir été hanté par l'idée que je pusse être possédé. Paar exemple, je me demande si le cas que je fais de l'alcool, non que je boive systématiquement, mais qu'il me faut pouvoir me dire que je peux boire quand il me plaira pour que je ne me sente pas vivre sous un régime de privation, ne fait pas jouer à cet adjuvant le rôle que Lacan assigne à l'objet petit A, objet transitionnel, doudou, sans lequel l'enfant croit que la vie serait impossible si, tout à coup, une main malveillante venait à luiretirer, non seulement la source de tant de plaisirs, mais ce sans quoi sa situation lui paraîtrait invivable sans compter que la vie en perdrait tout son sens. Mais peut-on assimiler l'objet petit A à une idole ? Je ne sais pourquoi je ne puis me résoudre à le croire. Quand j'essaie de raisonner l'inadéquation que je veux voir dans cette assimilation peut-être plus qu'elle n'y est réellement, ce que je vois est que l'objet petit a est un ours en peluche, quelque chose par quoi l'on se donne de l'affection qu'on ne reçoit pas intégralement du monde. On investit dans cette peluche, on la détourne de ce qu'elle est à simplement parler : un objet d'industrie humaine et en cela, il est vrai, l'objet petit A a un point commun avec une idole. Une autre convergence se trouve encore dans le fait qu'à travers l'objet de substitution appelé petit A par Lacan dans lequel on transfert les frustrations de ses refoulements, on s'empare de quelque chose. L'idole est également une façon de s'emparer de la matière pour, en définitive,avoir la mainmise et de l'emprise sur Dieu. Mais la différence entre l'idole et l'objet petit A me semble résider en ceci qu'à moins d'accepter d'être le croyant d'une Foi-refuge et de n'avoir Dieu que pour croire en quelque chose, l'idole est un détournement conscient tandis que l'objet petit A est un lien déficient. Assimiler l'idole à l'objet petit A, ce serait par contre-coup accuser la déficience de Dieu.
Mais Thérèse n'avait pas fini d'exposer la pensée de son pasteur relativement à la sainteté vue à travers les deux testaments. Celui-ci fit en effet valoir que la différence entre la perception de l'Ancien et celle du nouveau testament quant à la pureté, résidait en ceci que Dieu ne pouvait s'assimiler à rien d'impur dans la première Alliance et que c'était de là que venaient les interdits alimentaires ; au contraire, le visage que Jésus donne à la divinité est celui d'un dieu qui accepte les mélanges : il accepte de se mêler à l'homme sans se frayer avec son péché. L'exemple qu'il en donnait est cette pratique qu'Il propose de laisser croître ensemble l'ivraie avec le bon grain, de ne pas arracher l'ivraie. Jésus Se mêle sans se commettre. J'avais déjà lu une variation de cette pensée dans ce qui m'a le plus marqué à la lecture de la grande Sainte-Thérèse (dont j'étais sûr qu'elle était la patronne de celle qui venait de me raconter comment "le cœur pur" selon dieu n'a que faire de s'abstenir de mal penser). L'auteur du "CHEMIN DE PERFECTION" écrit dans "LE CHATEAU INTERIEUR" que ce qui donne le plus de saisissement à ceux qui entrent dans la dernière demeure de l'union mystique, celle où la fiancée est dans la chambre du roi, est qu'au sein de cet amour qui est désormais totalement détaché d'aucune chose qui ne soit pas lui, la fiancée se rend compte avec une horreur mêlée de joie qu'avant qu'elle ne soit tout à celui qu'elle aime, ce n'est pas seulement contre son amour qu'elle s'est rebellée, ce n'est pas seulement à son roi qu'elle a désobéi : c'est en Lui qu'elle a péché, comme si, péchant en Lui, ce n'était plus l'amant, mais l'amante qui inséminait l'époux. Ce qui émerveillait peut-être le plus la sainte du point de vue humoral, c'était que l'Epoux divin acceptât volontairement de Se laisser inséminer par son épouse, toute indigne que fût cette semence et la plus opposée à Lui puisqu'elle n'était rien d'autre que le péché qui ne saurait avoir nulle part avec Dieu.
jeudi 4 mars 2010
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