Je dois le corps de cette méditation au Père André-Marie foutrin, "LE PETIT MOINE QUI NE DORT PAS LA NUIT" et qui, au lieu d'essayer envers et contre tout de conjurer ses insomnies en comptant les moutons, a ce point commun avec moi qu'il parle tout le temps, verbalise, écrit sans cesse au lieu de prier, sort de la règle du silence pour éponger, se rendre perméable au Silence de dieu qu'il ne respecte pas. Mais, tandis que mon écriture ne s'élance que pour satisfaire une cérébralité qui mentalise tout, retient tout dans la nasse de l'anorexie, lui reste un moine en ceci qu'il est proche de la nature, connaît les arbres, les caresse, les explique. Il n'est pas comme Mauriac, faisant sa fausse confession d'adorer le grand chêne (dans "UN ADOLESCENT D'AUTREFOIS") : cela ne l'empêche pas d'aller tous les jours enserrer de ses bras celui qu'il a planté. Longtemps, ses bras pouvaient en faire le tour, mais voici que le chêne a grandi : les bras du vieux moine sont comme ceux d'un enfant ne pouvant pas plus enlacer le jeune chêne qu'il ne parvenait à faire le tour de la taille de son père, cet autre jardinier qui lui a appris l'art de la taille, de la coupe, du jardin... Ce n'est pas qu'avant le Père André-Marie, je ne me sois jamais avisé des multiples similitudes qui apparentent l'homme qui va se ressourcer près de lui à l'arbre planté au milieu du jardin et qui peut-être est l'arbre de vie ? Mais, si, homme, j'entre dans cette similitude, si j'accepte par avance toutes les conséquences d'entrer dans cette symbolique, qu'est-ce qu'être un arbre va découvrir demon humanité ?
1. Je suis fait d'une écorce, moi qui fais feu de tout bois.
Au commencement, lorsque la honte s'est emparée de moi au spectacle de ma nudité lorsque je l'ai connue, je me suis couvert de feuilles de vigne pour ne pas paraître devant dieu dans le plus simple appareil - j'aurais dit "en tenue d'Eve" si j'avais été une femme, mais je ne veux pas compliquer cet exposé en exhibant des troubles de l'identitéqui ne sont pas les miens - : je marque assez de complaisance pour les "tares" que je vous exagère... voyez-vous ça, comme je me bats l'écorce ? a croire que je suis mon propre bûcheron, comme si dieu ayant pitié de moi, n'avait pas remplacé les feuilles de vigne dont je m'étais recouvert par une "tunique de peau" qu'il m'a confectionnée sur mesure, à l'intérieur de laquelle il a caché mon nom et le message enfoui sous mon nom pour que celui-ci ne soit pas meurtri par la transparence et pour que je n'aie pas froid sous ma tunique de peau comme, à l'arbre, il a fallu que les feuilles qui le voilaient et dont l'automne le dépouillait ne le fassent pas frémir à basse température, et dieu l'a cerclé d'une écorce sous l'aubier, par quoi il pût en imposer à ceux qui l'auraient trouvé trop nu pour sa grandeur. Mais l'arbre a su se contenté de son écorce, il a aimé l'odeur de bois mort qui jonchait la forêt de sa mue, et le craquement des pas qui donnaient une consistance sonore à ses épluchures. Il a aimé être épelé et que sa première peau reprenne vie, non seulement dans le pas qui apparemment lebrisait, mais dans "la bonne odeur du bois mort" qui, brûlant ou pas, donnait l'idée d'une possible "communion des humbles" en une "religion des simples", ce bois étant posé sur le bûcher en vue de remplir une huche à pain que nous aurions mangée autour de l'arbre et de l’âtre. Mais ainsi n'avons-nous pas fait, qui nous en sommes éloignés alors qu'qu'"auprès de notre arbre, (nous étions) heureux : (nous n'aurions) jamais dû le quitter des yeux". Mais ainsi n'avons-nous pas fait parce qu'après avoir manqué prendre froid sans la sollicitude de dieu, recouverts seulement de nos feuilles de vigne, après avoir découvert le chauffage central auprès du bûcher allumé alentours de l'arbre, nous avons voulu que la tunique de peau qui nous avait été confectionné sur mesure, devienne un "CŒUR DE CUIR" (Patrick gofman). Il ne nous a pas suffi que notre nom fût caché comme un trésor à épeler comme ce qui était sous l'écorce de l'arbre : cuirassés, nous avons fait de notre nom un graal, nous l'avons fait entrer dans une tour d'ivoire, nous nous sommes capitonnés d'un masque plus épais que le bois, plus dur que le cuir et nous avons fait entrer notre nom dans la personne. La personne absolument singulière que nous avons proclamé que nous étions nous a enclos, comme le jardin d'Eden après la fermeture du paradis, dans une déconnection absolue de tout "moi" d'avec la télépathie générale. L'altérité nous est devnue une frontière infranchissable dont l'approche tribale près de l'arbre à palabre, condition dans laquelle nous vivions à peu près notre différence avec la nature, différence qui ne nous confondait pas, mais qui ne nous isolait pas non pllus, nous est bientôt apparue comme une violation. Mais avant que, non sous l'effet du froid, mais par celui de notre volonté, nous nous endurcissions au point de nous séparer ainsi, nous avons commis le sacrilège de nous faire une vertu de notre pudeur.
2. L'aubier.
Ainsi avons-nous vécu loin de notre nom. Nous avions cru l'emporter en nous éloignant de l'arbre et en l'enfermant dans le château-fort que nous avions construit pour le garder et ne pas l'ébruiter, mais nous ne savions pas que c'était l'arbre qui le gardait et qui, malgré tout, malgré nous, permettait au processus d'épellation, d'épilation de s'exercer. Notre mue s'est faite en notre absence et, plus nous nous éloignions de notre nom, moins nous le savions. Nous avons été dépouillés de nos oripeaux pour que reste de nous la fragilité de ce bois en train de mourir et le frémissement qui nous traversait de vivre sans savoir que ce frémissement, c'était nous. Ca n'avait jamais rien été de plus, nous, que ce tremblement de froid et de joie simultanés qui nous saisissait devant la beauté, moins de vivre, que d'être habités par la vie, habillés par elle aussi dans l'hiver de notre nudité. Pour revenir vers notre nom, il suffisait (et cela nous est possible encore) de renier le culte de la pudeur en témoignage duquel nous avons modelé notre effigie que nous avons dressée sur un autel en nous efforçant de l'adorer et de la faire adorer. Pour esquisser un retour vers notre nom, il suffirait que nous nous aimions, dans le froid imprévu où nous risquons moins de tomber comme l'écorce que de nous perdre d'une manière insaisisssable - que devient l'aubier, qui sert de cache au conduit déjà mort d'où, paraît-il, monte la sève ? -. Notre nom est aubier. Pour rendre plus simplement cet amour à notre élection, accuserons-nous d'impudeur celui qui se met à nu ? et où dirons-nous que le risque est le plus grand : lorsque nous écrivons à nu, avec toutes les maladies de notre âme,ou bien lorsque, avec toute la tartuferie dont nous voudrions "cacher ce mal que nous ne saurions voir", cacher le mal et la souffrance, ne pas regarder la mort en face, surtout quand elle est à l'œuvre en nous, nous nous extirpons dans un formalisme qui nous rend éphémères, quand l'apprivoisement de notre nudité aurait pu nous garder légendaires ? Légendaires, car non déguisés, non carnavalesques, sans apprêts, plus vrais que nature… ?
3. Sous l'aubier serait un conduit, comme un vaisceau d'où monte la sève, comme un cœur qui n'aurait pas à battre à la demande, car ce conduit qui amène la vie, ce conduit serait un simple tuyau, mais un membre mort : pas le membre mort d'un arbre sec - il y fait circuler la sève -, mais une chose qui n'a pas besoin de vivre pour conduire, pour être conductrice. Faut-il nous affliger de ce que nous pourrions prendre pour la mort de notre cœur ou, si ce n'est de notre cœur, de notre appareil circulatoire ? qu'il ne soit pas conscient des mouvements qui se produisent en lui par automatismes nous empêche-t-il de l'entendre pendant les "monitorings" dont s'accompagnent nos écographies ? Faut-il nous affliger que, sous la précarité de notre nom d'aubier, il y ait du "déjà mort" en nous, du moment que ce "déjà mort" fait circuler la vie en nous rappelant seulement que notre nom n'était pas un titre de propriété et que notre vie n'est pas notre vie, mais "la vie qui circule en nous" ? Ne faut-il recevoir qu'une leçon de modestie de ce phénomène quand, à nous approcher simplement de ce centre (se rappeler que notre cœur n'est pas, lui, notre centre), de ce centre d'où monte la sève, c'est de lui que semble être propulsée la puissance d'émanation qui fait de l'arbre une source d'énergie qui nous attire pour nous nourrir ? Autrement dit, du centre qui paraît le plus mort en l'arbre, se tire le plus vif ; par application, de ce qui semble le plus impersonnel en nous, se détache notre Manifestation et notre présence. Croyons-nous qu'il y ait quelquechose de moins déterminé en nous que le génie, que notre inspiration, que ce que nous appelons notre patte ? Ne savons-nous pas que le génitif, à la famille duquel appartient le génie, ne désigne rien d'autre, en grammaire, que le complément de détermination ? volontiers nous serions-nous conçus comme des "leaders charismatiques" et aurions-nous soutenu que, si la position de "sauveur" avait jamais été soutenable de la manière dont on nous l'a enseignée, un "sauveur" ne pourrait avoir que des disciples et être sauvés ne pourrait que nous rendre des suiveurs. Je m'étonne que l'Eglise, quand a émergé "le renouveau charismatique", n'ait jamais interrogé la position de "leaders", inédite par rapport au rôle du prêtre et ayant même peu de points communs avec lafonction du prophète. Le besoin paranoïaque d'être un "leader" n'est qu'un rabat de la puissance d'émanation de l'arbre sur nous qui portons mal le deuil du tapis de feuilles mortes qui tombent de notre toison, qui voudrions tenir la vie plutôt qu'apprendre à tenir à elle et qui regrettons que ne fasse que sortir de nous ce dont nous ne sommmes pas à l'origine. Cette désappropriation de ce que nous prétendons avoir inventé est particulièrement un sujet d'expérience pour qui a le bonheur d'être capable de reproduire les sons de la musique qu'il entend à l'intérieur de soi. Celui-là ne peut douter que la musique n'est pas son œuvre, ni qu'elle ne fait que se détacher de lui ! La musique se détache de cet "arbre à musique" comme en tomberaient des feuilles, comme volaient au vent les partitions de Rossini qui tirait à la ligne, allongé dans son lit.
"Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?" s'interrogeaitdéjà saint-Augustin.
Au troisième plan, était l'infrangible distance dont nous déclarions coupés les fils de l'altérité par des cuirasses tannées de façon à n'être point conductrices d'électricité. Au second plan, est "LE LIVRE DE (notre) ECORCE", (qui fut le premier livre qu'écrivit mon neveu enfant),, livre qui s'effeuille… L'écorce, ce feuilleté, peut-elle s'effeuiller jusqu'à l'Aubier ? dans notre nom et sous l'écorce, , était déjà dissimulée la perle d'un message, sédiment de l'étoile par laquelle nous étions tombés du passé et avions accédé à la vie par les toits. Du moins, à ce plan de réalité, avions-nous raison de croire à la liberté et de l'aimer comme un élan. Cet élan nous a fait faire un saut en longueur, mais quand nous considérons le premier plan, celui de notre nudité toute prude, de notre dépouillement complet, de ce qu'exagérément, nous serions en droit d'appeler notre "mort du cœur", quelle n'est pas notre surprise de constater que ce n'est pas de notre liberté qu'émane notre rayonnement, mais du déterminisme génitif ou encore génétique dont notre présence enchâsse la sève divine impersonnelle, nous reliant toutà fait à l'esprit, dans une désappropriation qu'a consommée, non pas "une mort à nous-mêmes" à laquelle nous aurions consenti, mais une mort qui est venue d'elle-même, qui nous fait être des percussions automatiques de ce déterminisme. Et, si nous ne devons pas porter le deuil de cette mort en nous, de ce point mort de nous d'où vibre enfin la vie, c'est que ce point mort nous place dans "l'ayn soph aor", c'est-à-dire dans l'indéfini indéterminé au sein duquel quasi néant s'est posé l'Acte créateur de Dieu. Qu'il y ait en nous de la place pour la vibration d'un point mort ne nous renseigne pas tellement sur "l'énergie du vide" qu'elle ne met au comble notre Assimilation à dieu en la projetant sur l'Instant créateur et non pas seulement surla Face Resplendissante de Celui Que nous ne saurions voir sans en être éblouis !
samedi 18 décembre 2010
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