Envie de lire, envie
d'écrire, avec ce paradoxe qu'on écrit pour fixer sa pensée et au hasard de ses
envies, pour surprendre dans quel ordre surgissent ces envies d'écrire et si
cet ordre est moral.
Kevin a téléphoné à
Nathalie, c'est ce qu'elle attendait depuis neuf ans.
Je suis tranquille,
j'ai commencé par là, j'aime Nathalie.
Mais je suis en
train de lire Virginia Wollf et son roman les
vagues, que je trouve nettement supérieur à la promenade au phare, que Pierre bourdieu a préféré commenter.
Il
y a une irrisation esthétique qui s'étend comme une gerbe (j'emprunte le mot à
Virginia), d'elle à Nathalie Sarraute, ou encore à Proust et à falkner.
Que
pouvait penser la Nathalie Sarraute de l'ère
du soupçon des Vagues de Virginia Woolf, sachant qu'elle détestait que le
romancier typifie des personnages, et que les
vagues
ne sont que l'expérience littéraire d'une typification poussée jusqu'à son
terme ?
Parmi
les types proposés par Virginia Wollf dans les
vagues,
c'est dans Bernard que je me reconnais. "J'invoque Bernard", je suis
Bernard. Je pourrais m'identifier à Louis parce qu'il a "une pyramide sur
les épaules", et Nathalie m'a dit souvent que j'avais un rocher sur les
épaules. Mais non, je ne comprends rien aux pyramides. L'Egypte ne m'a jamais faxsciné. Je mourrai
comme bernard en regrettant de ne pas avoir lu les védas.
Virginia
Woolf annonce Falkner parce qu'elle parle d'un poème sans ponctuation.
Elle
me renvoie aussi à ce que les gardiennes de la maison de la petite Thérèse aux
buissonnets me disaient, coomme j'étais en visite à Lisieux aux alentours du 11
septembre en pensant à ma cousine Nathalie qui rêvait de "réaliser ses
yeux" : un seul livre suffit. Les gardiennes des buissonnets ne se
lassaient pas de relire sainte-thérèse et d'avoir les manuscrits de
Sainte-thérèse pour unique livre de chevet. Les manuscrits autobiographiques
ayant servi à la récollection de l'histoire
d'une âme
leur paraissait le seul livre digne de mériter une exégèse. Je ne peux me
résoudre à ce que la Bible ne soit pas le seul livre à mériter l'effort
exégétique, et c'est pourquoi je m'en prends à la culture dont j'accuse
l'arbitraire, cependant que je ne supporte pas que l'on concilie foi et
mythologie.
Je
me réjouis de pouvoir lire des Virginia et des Nathalie(s), ces prénoms si
beaux.
Je
me dis que le type dans lequel se retrouverait Nathalie, ma cousine, dans les
vagues
de Virginia woolf serait roda qui a fini par haïr les hommes dont les paroles
interrompaient ses pensées et parce que les voir si sûrs d'eux dénonçait son
décalage.
Je
me dis aussi que l'auteur des mythologies, Roland barthes, a subverti notre
perception du Logos en incarnant le Verbe, non dans un corps, mais dans un
langage, à la structuration duquel serait configuré ou métaphoriquement
analogué notre inconscient, dont le mystère vient se perdre dans ce faux équilibre
du "système en équilibre" que se croit la langue, pensée par les
linguistes comme une balance bien régléeentre règles et variations. Le Verbe
incarné dans le langage résout le déterminisme de l'écriture, mais ne résout
que cela.
Dans
Les vagues de virginia Woolf, Louis ne se
console pas d'avoir "une dissonance à résoudre, une erreur à
corriger", et se prépare à vieillir en frappant de sa canne à pommeau les
pavés de sa cité. Je me suis souvent dit que l'essence de l'harmonie était de
démontrer que rien ne pouvait se résoudre, comme l'essence de l'écriture est de
montrer que rien n'est plus déterminé que le génie. Le génie est le refuge du
génitif, du complément de détermination, et la preuve que la création se fait
par imitation, selon l'idée d'Alain, qui oppose la liberté à la voie de
l'imitation.
Sur
Alain,l'incandescence est l'état naturel de ce grand timide.
J'ai
écrit à alain qu'il ne pouvait se faire à mon narcissisme, mais mon narcissisme
est plein de visages.
Tout
à l'heure, me suis entretenu successivement avec Agnès et N.t., et j'ai préféré
l'entretien avec Agnès, parce qu'entre nous, il y avait une vraie relation. De
quoi me demander si F. carrigère n'a pas tout de même raison de postuler que
l'homme est relationnel. Les égolâtres ont établi paradoxalement que la
relation subsume l'individu, qui ne se justifie pas sans elle. La primauté
accordée au langage sur le corps s'explique dans la logique relationnelle, dont
procède l'insertion du Logos dans un "système" trinitaire, mais non
pas en tant que verbe et que verbe incarné.
Hier,
Maryse m'a déboussolé en me soumettant une interprétation assez curieuse du
refus du "filioque" par les orthodoxes.Pour elle, que l'Esprit
ne procède pas du Fils voudrait dire qu'à supposer qu'il y ait pluralité des
mondes habités, il y aurait un christ différent par espèce à sauver, et le
Christ que nous adorons n'est en effet que "le Fils de l'homme". J'ai
voulu lui opposer Steiner pour rester dans son monderéférentiel, mais elle
avait prévenu mon objection en disant qu'elle s'opposait à lui sur ce point
comme sur bien d'autres. Je me suis rabattu sur l'argument qu'à supposer qu'il
y ait autant de figures incarnées que d'espèces à sauver, il n'en demeurerait
pas moins qu'unique serait le processus de christification, au terme duquel
l'Esprit procède bel et bien du Père et du fils, dans la mesure où ce n'est
rien d'autre que leur Amour qui plane sur tout ce qu'ils ont l'intention de
créer.
Il
y a toi, il y a moi, et il y a la relation, dit-on aux amoureux. Ca paraît
absurde, et pourtant c'est au fondement du "système trinitaire".C'est
aussi ce qui permet de dire qu'il n'existe jamais si grand narcissisme qui ne
soit à base relationnelle, soit qu'il ait besoin de relations pour se montrer
comme narcissisme, soit que des êtres en relation avec le narcissique le
justifient en l'idéalisant, parce qu'il vit sans sublimation au paradis
retrouvé de l'âme, innocente d'être nue.
En
quoi l'Esprit procède bien du Père et du Fils me paraît beaucoup moins
difficile à concevoir que l'association par laquelle le Verbe est Fils.
Pourtant,
ce matin, je me suis senti fils, je ne sais pas pourquoi. Je me suis dit que je
vivais ces choses en tant que fils. et cela m'a ramené à ce rêve où j'ai
entendu la voix de ma grand-mère maternelle que je n'ai jamais connue. Je ne
l'ai pas à vrai dire entendue, mais je l'ai imaginée. Nous revenions d'un
enterrement avec Nathalie, ma mère et Théodor, mon grand-père, de qui je dois
rêver une fois tous les dix ans. Et là, chez ma mère, en prenant l'apéritif,
nous regardons un film super 8 (mettons que ce soit un film super 8), où l'on
voyait comment Théodor s'était lancé à la conquête de ma grand-mère maternelle,
une grande dame, vers laquelle son avion, progressivement,fondait. D'abord elle
ne le voyait pas ; puis elle perdait son premier mari auquel Théodor
l'enlevait. A ce moment, gilles a surgi. Il était important qu'il surgisse
puisque ce documentlui était destiné. C'est lui, l'archiviste de la famille,
lui qui s'intéresse aux documents. Mais c'était pour moi que dans le film, on
entendait la voix de la conquête de mon grand-père, voix qui toujours le
surplombait, tandis qu'il s'affairait autour d'elle, perpétuant son engagement
jusqu'à lui survivre, et le perpétuant dans l'appartement même au couloir
longiligne qui avait été le cadre de la deuxième partie de leur vie maritale et
de l'enfance de ma mère.
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