Vivons-nous
une preuve de la loi de l'entropie historique, ou une grande régression
historique, aux antipodes de l'hégélianisme triomphant méconnaissant le
tragique de l'histoire, à travers les événements traumatiques que la France
traverse depuis le 13 novembre ?
S'il
faut les commenter, ils ne me semblent être que la réplique trop prévisible de
la logique d'ingérance dans laquelle l'Occident s'est enfoncé depuis la
première guerre du golfe. C'est une chose que je puis me targuer d'avoir
prévue, même si je me garderai bien d'avoir ici le prophétisme triomphaliste.Et
je ne m'en garderai pas pour faire étalage de bons sentiments. Au contraire,
j'ai mauvais esprit et quand j'assistais, à Lisieux, à l'effondrement des tours
jumelles, je me suis dit que c'était bien fait pour les Américains, qui étaient
châtiés de s'être crus invincibles et d'avoir bâti le Temple du capital qui
tombait maintenant comme babel, tout en servant de prétexte à leur future
guerre contre Babylone. De même, quand est arrivé Charlie, je ne me suis pas
réjoui de la mort des dessinateurs, mais je me suis dit que, si on prétendait à
la civilisation comme on nous en rebattait déjà les oreilles, le revers de la
civilisation était la responsabilité, et il fallait donc que les dessinateurs,
châtouillant des gens qui avaient la kalash facile, assument d'être, le cas
échéant, des martyrs du droit au blasphème. Mais devant ces derniers attentats,
je ne suis, comme tout mon peuple, que tristesse. Je le suis comme Fatima, qui
m'a dit, elle, la femme voilée, que ces terroristes étaient le cancer de
l'islam et son cancer personnel.
Or
on ne soigne pas le mal en redoublant le mal. Personne ne s'est ému que
l'adversaire de Marine le Pen dans le Nord pas de Calais, Xavier Bertrand, ait
pu parler d'exterminer l'ange exterminateur (au cours de l'interview qu'il a
accordée hier matin à Jean-Pierre Elkabbach… Dès le lendemain de ces attentats,
tous les politiques invités par Laurent Ruquier à l'exception du front national
qui n'avait pas voix au chapitre se sont empressés de dire que nous étions en
guerre. Il n'en fallait pas plus pour que Hollande enfourche le cheval de bush
en faisant de "la France est en guerre" l'incipit de son discours au
congrès de prétendant à la dictature, qui voulait réformer la constitution pour
cela, Hollande a trouvé ce dérivatif.
Manuel
Valls ne tient que par la désignation d'un ennemi de la République en danger,
ennemi qui est, tantôt le Front national, tantôt les terroristes islamistes. Ce
llicencié en histoire, qui a fait toute sa carrière dans la communication et
l'intrigue politique et qui est l'impuissance incarnée au pouvoir, aurait été
renversé depuis longtemps s'il n'avait su (pour combien de temps encore ?)
liguer tous ses adversaires contre les ennemis qu'il leurprésentait comme un os
à ronger. Or ces adversaires chienchiens étaient aussi bien les frondeurs de sa
majorité que les cathos de "la manif pour tous" ou que les jeunes de
la mouvance dieudonno-soralienne. Je lui donais six mois, Charlie a été son
sursit.
Quant
à Hollande, le petit garçon qui bafouille en annonnant les discours qu'on a
peut-être écrits pour lui et qu'on sent régulièrement assailli de douleurs
arthriques à moins qu'il ait mal aux reins, il ne pouvait exister que comme
dérisoire chef de guerre s'écriant que l'accueil qu'il avait reçu au Mali était
"le plus beau jour de sa vie politique". Il présente à la tête de
l'Etat un curieux composé de Guy MOllet et de George bush junior. Il nous
refait le coup de "la pacification" de "la barbarie" par
les "races supérieures" civilisatrices. Ce n'est pas pour rien que sa
visite au Panthéon a été l'inauguration d'une statue de Jules Ferry.
Mais
rien de ce qu'il dit n'a un caractère opératoire. Par exemple (et c'est plutôt
rassurant), ce n'est pas parce qu'il dit que "la France est en
guerre" qu'elle l'est en effet. Lors de la guerre d'Algérie, les
gouvernants ne se sont pas précipités pour parler de guerre. On ne parlait que
d'"événements" alors qu'on faisait face à une guerre réelle.
Aujourd'hui, on parle de guerre parce qu'on n'a affaire qu'à des événements.On
sait depuis 2001 que "la guerre contre le terrorisme" est un monstre
conceptuel, puisqu'on ne peut pas faire la guerre à un ennemi par nature
indéterminé, donc indéfini et donc infini. C'est une guerre ingagnable,
imperdable aussi en un sens, mais plus ingagnable qu'imperdable, surtout quand
on sait d'où on vient, nous qui avons le culte de la résistance, alors que les
résistants étaient désignés comme des terroristes par les nazis.
Ces
crimes en série d'une ampleur exceptionnelle devraient être traités de manière
événementielle parce que ce sont des
événements. Ce sont des faits divers à grande échelle, et une recrudescence de
la criminalité à effet mondial desquels on prend prétexte pour feindre
d'ordonner une mobilisation générale pour garantir l'immobilité des peuples exaspérés. Les sociétés dirigées par une
administration en roue libre et par une finance qui en exige l'austérité
pourraient se rebiffer. On les berce d'une bonne guerre qu'ils n'auront pas à faire
pour que les populations non enrôlées se tiennent tranquilles.
La
preuve que rien de ce que dit Hollande n'a un caractère opératoire peut être
tirée de l'analyse de la première décision qu'il a annoncée, le soir même de
ces attentats. "sur ma décision, tenait-il à préciser, les frontières
seront fermées." Le Président prenant la douane de court, celle-ci fit
observer que ce n'était pas possible sans un peu de préparation. Un quart
d'heure plus tard, l'Elysée corrigeait Hollande : les frontières n'étaient
pas fermées, mais on rétablissait le contrôle aux frontières. Encore un quart
d'heure plus tard, on se souvenait que ce contrôle aux frontières était déjà
rétabli depuis le jour même en vue de la conférence où les chefs d'Etat se
réuniraient à Paris en croyant, tels des rois primitifs et préhistoriques,
avoir prise sur la météo. Donc Hollande n'avait pris aucune décision et eût-il
décidé de fermer les frontières, c'était en notoire incohérence avec la manière
dont il les avait ouvertes toutes grandes pour accueillir "les
migrants", volant comme des oiseaux perdus depuis la sirie en feu.
Hollande a depuis tenu, dans son discours au congrès, à ce que le contrôle aux
frontières ne contrarie pas le mouvement des réfugiés. Or tout indique qu'il faut
faire une pause migratoire si l'on veut retricoter le lien social et si l'on
veut que tous ceux qui sont là, nationaux ou étrangers, soient encore intégrés
dans la société qui se défait à vue d'œil sous l'effet d'un paupérisme organisé
ou endémique. Qui aurait osé murmurer contre l'afflux récent des migrants ou
supposer que des islamistes pouvaient se mêler à ces migrants, aurait été
accuser d'inhumanité ou d'obscurantisme xénophobe. A présent, nous savons que
deux réfugiés siriens, y compris deux djihadistes partis et revenus de Sirie
malgré un mandat d'arrêt international, étaient mêlés aux terroristes.
Jamais
je ne dirai comme Aymeric Chauprade qu'il faut liquider les djihadistes qui
sont partis en sirie. Jamais non plus il ne me viendrait comme à Valls l'idée d'empêcher
quelqu'un qui a une cause à défendre d'aller la défendre. Il était contraire à
toutes les libertés de criminaliser le départ des djihadistes, mais on pouvait
criminaliser leur retour. Non seulement on ne l'a pas fait, et les djihadistes
sur le retour sont passés dans les trous de la passoire au lieu de passer à
travers les mailles du filet des services de renseignement pris à
contre-pied ; mais encore, les "musulmans du quotidien" se
demandent avec anxiété s'ils ne vont pas être pris dans l'amalgame. On peut les rassurer en disant
qu'on n'amalgame aux terroristes que les jeunes à la casquette à l'envers, que
les jeunes de cité, que les jeunes de la petite délinquance avec ce vivier de
la grande délinquance et de la grande criminalité dans lequel puise Daesh.Mais
surtout on peut se demander pourquoi le gouvernement a l'air de n'interdire à
cette petite délinquance que de devenir djihadiste. Tant qu'elle trafique dans
l'économie informelle, on lui promet l'impunité. Mais qu'elle devienne
djihadiste, on l'exclut de l'humanité. La dernière trouvaille est qu'il ne
saurait y avoir de guerre de civilisations puisque nous serions les seuls
civilisés et qu'en face de nous, il n'y aurait que des barbares. On a oublié
que, selon Claude Lévi-Strauss, le barbare est celui qui croit en la barbarie.
Nous, on "kife la life" quand les autres ne seraient que dans la
pulsion de mort. La psychanalyse nous avait appris "l'ambivalence des
sentiments" et des pulsions, nous voilà univoquément dans le bien face à
"l'axe du mal".
"tous
les malheureux ne sont pas méchants, mais tous les méchants ont été
malheureux". Ceux qui détruisent ont commencé par souffrir avant de
vouloir détruire. Il reste que détruire paraît la seul raison d'être de
l'islamisme violent. Le problème de l'islam est qu'il conçoit des sociétés
harmonieuses solubles dans la loi et que cela est incompatible avec la
condition humaine, qui est radicalement sans solution.
Qu'est-ce
enfin que daesh ? dans un livre tout à fait "grand public" paru
il y a une dizaine d'années, Antoine sfeir, le neveu franc-maçon de l'ancien
patriarche maronite, expliquait que les
Américains comptaient organiser "un grand Moyen-Orient" au moyen
d'Etats confessionnellement homogènes, construits sur la ruine d'Etats come le
Liban et la Sirie, subjugués par des organisations paramilitaires financées par
la CIA. Comme le Hamas a été originairement une création d'Israël, comme
benladen fut une créature des Américains, Daesh et son kalif seraient des pions
qui, soit auraient dépassé les souhaits de leur donneur d'ordre, soit se
comporteraient en agents d'un désordre mondial, qui garantit l'hégémonie des
puissants du jour par une forme inédite de guerre mondiale. La guerre contre daesh
n'aurait donc pas pour but de détruire l'enclave, mais de s'assurer qu'elle ne gagnera
de terrain que dans la mesure fixée, tout en garantissant à l'intérieur des puissance
belligérentes, la stabilité des sociétés en crise.
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