On
peut passer sa vie à se justfiier, à se douaner et à se dédouaner. Tout ne
serait une fois de plus qu'une affaire de douane et d'assumer ou pas la part de
culpabilité réelle dont nos vies sont marquées et marquent la vie des autres.
Assumer la culpabilité n'est pas le fait du chrrétien, assumer n'est pas le
mot. Il lui appartient seulement de ne pas nier l'acte coupable.
Il
n'importe pas qu'il ne la nie pas devant les hommes. S'il choisit de ne pas le
faire, il se trouve animé d'une passion de la vérité qui est davantage une
passion de l'authenticité ou de la sincérité qu'une passion de la vérité
proprement dite, qui est d'essence ontologique et métaphysique, mais non pas
existentielle. Si un homme est animé d'une telle passion de la vérité qu'elle
se limite à l'authenticité, il en concevra un goût de la liberté qui se
limitera à prendre ce mot dans son sens élémentaire et à mon avis pour ce qu'il
est : la liberté, c'est la capacité de choisir. Un tel homme n'est pas
guetté par l'hypocrisie. Je suis à peu près cet homme-là, animé par une passion
simple de la vérité authentique ou de la véridicité et concommitamment pour la
liberté de choisir ou pour le libre arbitre. Je ne me sens hypocrite que quand
mon visage se fige à mon insu d'entendre ma voix donner son assentiment, par
diplomatie, à des opinions que je ne partage pas, mais ça m'arrive plutôt
rarement.
Au
rebours, l'homme qui est animé de la passion de la vérité ontologique telle
qu'il croit la percevoir, sera animé de façon corolaire d'une passion de la
liberté qui ne sera pas le libre arbitre, mais celle de choisir le bien et
d'être libre du mal. Comme il se croit délivré du mal, il se croit libre du mal
alors que moi qui crains d'être un sujet de hantise de l'esprit du mal, je prie
pour être délivré du mal. L'homme qui croit détenir la vérité et ne faire usage
de sa liberté que pour choisir le bien, est prompt à juger son prochain, car
c'est en son prochain qu'il voit le mal qu'il ne voit plus en lui-même. Et il
sera prompt aussi à l'hyypocrisie parce qu'il se voilera la face, se mentira à
lui-même et croira avoir atteint le but du bien et du beau qu'ilembrasse dans
la contemplation et par la considération des idéalités et des finalités
ontologiques, qui ne sont pas réalisées. Toujours cette différence entre vérité
et réalité : le véridique, mon premier type humain, est un réaliste, il a
la passion du réel ; le véritable est un idéaliste
N'importe
que les hommes choisissent tel ou tel type humain, telle attitude devant la
vie, les uns ayant la passion de la lucidité et de la liberté, les autres de la
vérité et de la liberté spirituelles, même si le plus spirituel n'est pas
nécessairement celui qu'on croit, si qui trop fait l'ange fait la bête, parce
que le christianisme aintroduit à un suprême degré le paradoxe – le
christianisme est le paradis du paradoxe - : Dieu renverse la table
et les puissants de leur trône. Celui qui se croit être quelqu'un ou quelque
chose est souvent le contraire de ce qu'il croit. Le bon usage de la culpabilité
en christianisme est de ne pas la nier. Facultativement de ne pas la nier
devant les hommes comme un homme passionné d'authenticité et de libre arbitre,
en toute hypothèse de ne pas la nier devant Dieu avec l'homme passionné de
liberté et de vérité ontologique et spirituelle. Mais ne pas nier ses actes
coupables n'est pas les assumer et encore moins les justifier. La confession
n'est pas la justification. Ce qui constitue la justification est que les actes
confessés sont assumés par un Autre qui les efface jusqu'à nous les faire
oublier.
On
n'a ni à se douaner ni à se dédouaner. On peut reconnaître le point de passage
en soi de la frontière du bien et du mal, maison a passé la frontière. On est
de l'autre côté du côté obscur de la force. On reste dans l'"ambivalence
des sentiments" et on ne croit plus que c'est l'intention qui compte, mais
on n'a pas à faire coïncider nos intentions avec leur résultat que sont nos
actes. On est responsable de ses actes, mais c'est Dieu Qui juge le résultat.
Ce n'est pas exactement qu'Il le juge, Il letransforme, Il le produit. Il le
produit parce qu'Il est notre justification, sans aucun mérite de notre part,
du seul fait que nous ne sommes pas dans la dénégation. Dieu peut justifier qui
Le renie, mais Il ne peut pas justifier qui se renie.
La
Rédemption est un transfert de justification : je n'ai plus à me justifier
dès lors que je me reconnais. Plus je vais et plus je trouve que le dogme
chrétien le plus extraordinaire est la rémission des péchés. La rémission des
péchés ne fait qu'exprimer au sens plein ce qu'est la Rédemption. C'est
peut-être pourquoi le credo ne comporte aucun article qui mentionne
expressément la Foi en la rédemption. Quand on confesse croire en la rémission
des péchés, on ne fait que dire en le développant qu'on croit en la Rédemption.
Et la Rédemption est un transfert de responsabilité par lequel Dieu Qui nous a
créés devient responsable de nous-mêmes. C'est un transfert de responsabilité
et de justification qui ne nous coupe pas les jambes, mais qui nous demande d'avoir
les pieds sur terre et la têteintègre et lucide, "un fond éthique
imprenable" comme me le disait Hervé, une pleine conscience de ce que nous
faisons, que ce soit enbien ou en mal, puisque ce n'est pas nous qui
transformons le plomb en or ni le mal en bien.
Quand
nous nous demandons pourquoi nous aurions à être sauvés puisque nous n'avons
pas demandé à naître, nous posons une question légitime, mais qui passe à côté
du problème. Nous raisonnons comme si nous avions à nous justifier. La
Rédemption, c'est l'affirmation que nous n'avons pas à nous justifier puisque
Dieu en nous créant, S'est engagé vis-à-vis de Lui-même à être responsable de
nous. Nous n'avons plus qu'à être au diapason de ce transfert de justification.
Cela peut commencer par nous donner une latitude jubilatoire : "Aime
et fais ce que tu veux", nous exclamons-nous pour prendre de l'envol. Mais
bientôt nous manquons de souffle. Nous prenons de l'envol, mais bientôt nos
ailes sont coupées, car le revers de la médaille, c'est que notre libre arbitre
n'est jamais si grand que nous puissions prétendre être les créateurs de quoi
que ce soit. Nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu.
Dieu
a pris la responsabilité de nous sauver parce qu'Il nous a créés. En
contrepartie, nous ne créons jamais pleinement. Nous retrouvons de l'existant,
nous organisons avec le Créateur d'autres combinatoires, mais nous neforçons
pas le destin. Nous créons dans un périmètre parce que nous sommes
paramétrés : "Tout vient de Lui, tout est pour Lui, qu'Il nous
délivre !" C'est en ce sens que les austères qui ravalent la
liberté à une liberté de ne choisir que
le bien n'ont pas tort : nous ne sommes libres que dans un certain
périmètre.
Le
changement de regard sur la culpabilité humaine permet à la faculté de juger de
s'exercer en sortant du manichéisme. Pour moi, personnellement, humainement,
existentiellement, pour l'équilibre de ma pensée, il est très important de
pouvoir juger sans être manichéen. La sortie du manichéisme permet à la faculté
de juger de s'exerceren toute liberté. Elle lui permet de s'exercer sans violer
l'interdit de juger, car l'interdit de juger n'exprime qu'une seule
chose : c'est que l'homme n'est pas la mesure du bien et du mal, et
surtout pas la mesure du bien et du mal d'autrui. C'est pourquoi l'Eglise, qui
a toujours affirmé qu'il y avait un enfer et dont les plus généreux membres ont
espéré qu'il n'y avait personne dedans, s'est toujours interdit de dire qui
était en enfer. Il n'y a que Dante en raison de la poésie ou Sainte-Thérèse
d'Avila par vertu visionnaire qui se soient affranchis de cet interdit et
permis de dire qui ils voyaient en enfer, mais ils l'ont fait de façon
métaphorique et ont jeté en enfer tous leurs ennemis, comme Luther pour
Sainte-Thérèse d'Avila et, pour Dante, tous ceux qui n'étaient pas de sa
brigue. Ils ont jeté leurs ennemis en enfer parce qu'ils n'avaient pas
complètement accepté le transfert de justification que constitue la Rédemption.
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