lundi 8 août 2016
Roman d'un phraseur
Aujourd’hui, je m’ennuie et le net est calme. Alors je me dis : Pourquoi ne pas commencer le roman d’un phraseur ?
J’ai toujours associé la littérature à la phrase. Et je ne suis jamais devenu écrivain car je faisais des phrases. Je ne suis pas non plus devenu philosophe, car je n’ai jamais su m’exprimer clairement et sobrement. La phrase était mon unité. Naguère, je l’aimais longue. Aujourd’hui, je découvre les joies de la concision. Je n’ai jamais suporter les phrases elliptiques ni compris que la grammaire puisse parler de phrase non verbale. Pour moi, la phrase est liée au verbe eet le verbe à l’action, mais faire des phrases conduit à l’inaction. C’est une forme de far niente très active. Pourquoi les journalistes aiment-ils la politique des petites phrases ? Ils résument comme s’ils ne savaient pas analyser un discours, alors que le discours est une notion qui a émergé récemment dans cete science humaine jargonnante qu’est la linguistique. Pourquoi telle phrase est retenue dans le flux de la parole et passe en citation ? Voilà que je fais des phrases qui ont plus qu’un verbe. Chassez le naturel torrentiel, et le galop tortueux de la complexité reprend son cours. Mon ROMAN D’UN PHRASEUR promet d’être ennuyeux. Je préférerais ne pas l’écrire. Pourquoi certains disent-ils que cette parole de Bartleby est la négation de l’humanité ? Préférer s’abstenir. Option préférentielle pour l’i-noncence, propension à l’inactivité. Dérouler la pelote, évider le fil. C’est ce que m’avait conseillé Francis quand j’écrivais LETTRE A MA FILLE que j’ai perdu dans un taxi un soir ede beuverie. Pourquoi l’ivresse ? IL y a mieux come évasion. On peut faire le tour du monde à pieds. J’en ai rêvé, je ne l’ai pas fait, même si j’aurais préférré le faire. Mais j’en rêvais quand j’étais couché sur le côté droit. C’était mon côté des beaux rêves. Mon compagnon était mon père. Un autre rêve était que j’étais concertiste. J’avais un associé qui s’apelait Pop. J’avais un associé comme mon père. J’aurais voulu associer mon père à mon tour du monde. Je voudrais m’associer mon père et le devenir, au lieu qu’il aurait dû m’inciter à devenir. Quand je vois ce que nous sommes devenus, mes frères et moi, je trouve que nous sommes chacun un tiers de notre père. Mon père ne nous a pas bien élevés. Tout parent qui donne naissance doit s’attendre à se voir instruire un procès en éducation manquée. Mon père était phraseur. Il ne faisait pas de phrases, mais des sentences. Il en avait des quantités que je pourrais encore recueillir, car elles contenaient une vraie morale personnelle. Mon frère poète me dit toujours que c’est à moi de les recueillir, mais j’ai la flemme. Car cela rime avec mon nom qui se termine comme flemme. Je ne fais rien, je fais des phrases. Je les écris à la volée sur mon lit dans l’absence de mails. Et si je n’en recevais plus jamais ! Je voulais écrire : si Internet ne me revenait pas ! Mais la seule personne dont je ne pourrais pas me consoler de la perte est ma future épouse. Internet peut ne pas revenir, j’en reviendrai, je m’en remettrai. Je me livre à un exercice que l’on peut qualifier de deux manières : l’autoanalyse et l’écriture automatique, qui ont deux buts oposés. Paul-Marie Coûteaux disait que la figure de style de de Gaulle était la tautologie : l’idée est sa réalité et la réalité est son idée. Or quel est mon style de phrases ? Ma figure de style est l’opposition. C’est la plus simple. On n’échappe pas au dualisme, ou plus exactement, on ne cherche pas sérieusement d’échappatoire. Je ne suis pas spécialement unitarien, mais j’aurais préféré ne pas découvrir que le paradoxe est le lieu comun de l’home qui, non content de ne pas s’atteindre, se renie. J’aurais préféré ne jamais le découvrir. Maintenant que c’est fais, je me nourris de paradoxes, alant jusqu’à dire que le paradis et le paradoxe ont même parenté de radical alors qu’il n’y a rien de moins radical qu’un paradoxe. Pour aller au paradis, me plais-je à penser, il suffit de se laisser glisser sur sa pente après être tombé du côté où l’on penche. L’idée de Grâce contient ce quiétiste laisser-faire, nullement parent de celui du libéralisme. Mo père se disait libéral et ne supporte pas qu’on ait une autre opinion que la sienne. C’était un paradoxe. Il disait nous souhaiter d’être heureux, mais ne comprenait pas que nous fassions d’autres choix que les siens. Il nous souhaiter d’épouser qui nous voudrions, mais nous conseillait de signer un contrat de mariage avec communauté de biens réduite aux acquets. Il ne voulait pas que nous transmettions son héritage à nos épouses. J’ai entièrement dilapidé le mien à force de non choix. Devant lutter contre l’autorité de mon père, qui ne supportait pas que l’on fasse d’autres choix que les siens, j’ai choisi de ne pas choisir. Ce sont des paradoxes. Le paradoxe est de la bouillie pour les chats, on ne devrait pas se nourrir de paradoxes, c’est de la malbouffe. En plus c’est une figure très mal nommée. Yves Baudelle m’a appris que la vraie définition du paradoxe n’était pas l’opinion contraire, mais l’opinion contiguë. Comme Pascal aurait dit que le contraire de la vérité, ce n’est pas la vérité contraire, mais l’oubli de la vérité contraire. Ce qu’on appelle paradoxe serait mieux nommé antithèse. Je me suis toujours piqué d’avoir l’esprit de synthèse et je suis l’homme de l’antithèse. N’ayant jamais fait un choix, je n’ai pas présenté ma thèse. Je me suis posé en m’opposant, défini par opposition. Je m’aperçois avec horreur que je ne sers à rien, sinon à provoquer des débats. Je suis un rassembleur, mais j’aime provoquer des rencontres improbables, convaincu que l’unité ne consiste pas à penser pareil, mais à pouvoir se parler. Et se parler pour ne rien dire, pour faire des phrases ?
Je n’ai jamais servi à rien, mais j’ai aidé les autres à se définir et à réaliser lerus projets. Mon exemple a inspiré à Alain d’écrire un roman qu’il a achevé et dont j’ai corrigé les premières épreuves. Pas les secondes, je n’aurais pas eu la patience de le relire bien qu’il m’ait plu. Alain est organiste et a résolu le problème du tempérament en racontant l’histoire de Froberger. Quant à moi, je n’ai pas fait le tour du monde, mais je suis devenu concertiste. C’est-à-dire que j’ai fait du cabaret à quinze ans, et vais donner mon premier concert d’orgue en septembre à 43 ans. Je suis devenu organiste en n’ayant jamais appris l’orgue, parce qu’en dépannant une amie lors d’une messe au piano dans la chapele d’un hôpital, l’aumônier avec qui j’avais sympathisé m’a dit quinze jours plus tard que, maintenant qu’il me connaissait, il avait donné le feu vert pour commencer la restauration de l’orgue qu’on lui demandait de faire depuis longtemps. Je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne et je ne l’ai pas fait. Les travaux ont traîné, mais je suis quand même devenu organiste. Je suis un organiste mal appris et un apprenti vivant qui balbutie en faisant ses gammes. J’avais écrit cela à francis dans une lettre sur la pensée. Francis m’avait appris le chant grégorien en trois quarts d’heure après un repas où nous avions vidé chacun trois quarts de rouge, dans le sous-sol d’un foyer où j’avais un piano. J’avais acheté celui de Mme Fouquar pour le sauver de sa fièvre vendeuse. Et puis j’ai dû le vendre moi-même, quand mes finances se sont taries à force de dilapider mon héritage. Mme Fouquar était raciste et avait demandé un homme de compagnie à l’ambassade du burkina fAso. Pour qu’il reste, elle a dû l’adopter. Maintenant qu’elle est passée, il a capté son héritage. Or je trouve avec une injustice relative qu’il m’a passablement aidé à dissiper le mien.
Je trouve qu’une phrase devrait rester lapidaire. Rester est un verbe d’état. Or le verbe mène à l’action. Rester est un peu comme devenir ce qu’on est. Ces verbes commandent des phrases attributives. On ne devrait jamais qu’attribuer, sans distribuer les bons et les mauvais points. Je suis un redresseur de torts dont on dit qu’il veut toujours avoir raison, mais je n’aime pas la logique des raisons et des torts. La raison du fait que je pense qu’on ne devrait jamais qu’attribuer est que j’aimerais définir. J’aimerais comprendre le motif. Je suis un ancien fort en thème qui aimerait comprendre le mmotif. J’aime la raison en ce qu’elle aide à comprendre. De même que je regrette les paradoxes, je regrette que, dans le déchiffrement universel de l’énigme, nous ayons des points d’accord et des points aveugles, des angles morts de la pensée. Je n’aime pas les points aveugles. Le point d’accord, c’est le « on ». On dit qu’ »on est le pronom imbécile. Je ne suis pas d’accord. Je dis qu’ »on » est le pronom du point d’accord. Comme s’il était imbécile d’être d’accord et que penser pareil était une unité imbécile. Etre d’accord, c’est avoir du cœur, et il n’est pas imbécile d’être émotif, surtout quand on est un fort en thème. A condition de ne pas vouloir émouvoir. Quand j’étais petit, je voulais capter toute la sensibilité pour transcrire toutes les peines du monde, exprès pour faire pleurer le monde sur moi. Ce romantisme a beaucoup choqué Alain quand je lui ai raconté. IL faudrait ne pas vouloir émouvoir. Pourtant le désir d’inspirer la crainte ou la pitié a présidé à la naissance de la tragédie. On écrit pour faire pitié. On veut partager son chagrin. On se figure que de partager son chagrin nous rendra moins malades. Est-ce que je sais ? Quand j’avais cinq ans, j’ai failli mourir de chagrin. On avait dû me placer à l’internat et je ne m’y faisais pas. Je faisais tellement peine à voir que j’ai fait pleurer mon père, qui n’a pleuré que le jour de la mort de son propre père et ce jour-là. Le chagrin est un effondrement. Je me suis effondré de bonne heure et ne me suis jamais redressé. Ou bien c’était pour m’asseoir et dresser mes écoutilles. Je suis un bon observateur. Je comprends bien les personnages. Je m’imprime de mille visages. Je suis comme un caméléon. Je m’intéresse à tout le monde pour n’aimer personne en particulier. Enfin, il y a quand même des gens que j’aime ou que j’ai aimés. J’aime Nathalie, eet j’ai aimé mon meilleur ami. J’ai aimé mon père et aussi ma mère que je croyais avoir haïe. J’ai dit un jour à mon meilleur ami qu’il ne lui arivait rien parce qu’il n’aimait personne. C’était très dur. Il en arrive des choses aux caméléons. Il m’en est arrivé des choses ! Quelquefois j’aimerais les consigner, surtout mes rencontres avec les gens célèbres, mais c’est comme pour la sagesse de mon père, le temps me manque
Dans la cuisine, Marie-Claire fait le ménage et parle avec Nathalie. Toutes deux ignorent que je fais des phrases. Je ne me suis pas vraiment redressé, je travaille dans mon lit. On aurait dû me placer en maison de correction, mais je n’aimais pas les baffes. Un jour, Mmle Martin, qu’intéressait beaucoup mon psychisme, car il était contraire au sien, m’a demandé : « Tu te fous du monde ? » Ne sachant que répondre, j’ai dit « oui » et elle m’a baffé. Je n’aime pas non plus qu’on dise qu’on se claque la bise. Il y a de shommes qui font la bise aux femmes et d’autres qui ne la fait pas. Moi, je la fais quand je sens une envie chez la femme. Mais je préférerais ne pas la faire. Je la fais, mais je ne la claque pas. Je n’ai jamais pu me corriger. J’aurais voulu déchiffrer la musique et, encore mieux, savoir l’écrire, mais je n’ai pas la patience. On me dit que j’aurais dû ne pas me contenter de composer de jolis thèmes que je claque sur l’orgue fumant et vrombissant. J’ia de jolies mélodies dans la tête et je les claque bien. Mais il paraît que la musique serait d’essence contrapuntique. Les voix parleraient pour se chevaucher, pas pour être d’accord. Les adeptes du contrepoint reprochent à l’harmonie de penser en accord. Finalement, en musique ne m’intéresse que le thème. Je ne suis pas assez subtil pour comprendre le contrepoint. Je n’ai jamais bien chevauché les femmes. Je ne suis pas un bon cavalier. Je suis un mauvais coup. Je suis cavalier de me traiter de mauvais coup, mais come je n’ai jamais aimé les baffes ! Tiens, voilà ma première phrase suspensive. J’ai suspendu cette phrase, car je préfère les soufflets aux baffes. Ma mère me baffait un peu. J’ai suspendu cette phrase à la patère bien que mno père ne m’ait jamais souffletté. Ses soufflets étaient moraux. L’orgue aussi a des soufflets. Je trouve toujours miraculeux de monter à une tribune. Je fais des effets de tribune tel un tragédien. Je trouve miraculeux de jouer de l’orgue. On ne se sent jamais digne de faire de la musique. Je me reproche en outre (l’horrible conecteur logique ) de ne pa m’yintéresser. Je manque de culture musicale faute de m’y intéresser. Je manque de culture musicale et je me le reproche. Mais la musique est dans ma tête alors que je me fais des idées. Je me reproche de m’intéresser davantage aux idées qu’à la musique. Je me reproche de ne partager sur mon journal que des idées et pas assez de musique. N’étant pas bon cavalier, je suis plein de peurs et de reproches.
Ma première peur a été cele des chiens, et j’ai compris dans un déclic, en conversant avec un militaire féru de psychanalyse, que cette peur des animaux était à l’origine de mon inaptitude à la cavalerie. Il faut chasser la bartavelle pour aimer la bagatelle. Mais comment la chasser quand on a peur des chiens ? J’ai eu peur des animaux pour ne pas devenir un animal. S’incarner pour le Dieu-Verbe, c’était devenir un homme ; s’incarner pour une phrase, ce serait passer à l’action ; s’incarner pour un homme, c’est devenir un animal. Je n’ai pas voulu devenir un animal pour continuer de ne pas m’incarner.J’ai eu peur des animaux et de l’incarnation. Souvent, je me suis demandé pourquoi, à l’origine, je n’avais pas aimé la vie. Sur ce point, quelque chose se corrige en moi. J’apprends à l’aimer grâce à Nathalie qui l’aime par-dessus tout. Je me demanddais comment Dieu pouvait demander de choisir la vie à quelqu’un qui n’aimait pas la vie. Je tenais pour acquis que l’amour était inné. Or l’amour est un choix. On n’aime pas si on ne choisit pas. Choisir, c’est éliminer l’inné. L’amour n’est pas un chix volontaire, c’est une volonté d’acquisition, non pour posséder quelqu’un, mais pour être possédé par lui. Tel devient mon amour de la vie : Dans cette phrase, j’ai inversé l’ordre du sujet et de l’attribut. J’ai lu récemment dans une grammaire, non seulement que la phrase pouvait être non verbale, ce qui me révulse comme j’ai dit, mais aussi que le sujet n’était pas nécessairement le thème de la phrase. Le sujet est celui qui parle, il n’est pas ce dont on parle. Bizarrement, ça m’a plu, alors que je n’aime pas tellement les idées nouvelles. Ce n’est pas que je ne les aime pas, mais je ne m’y fais pas. Si ça m’a plu, je crois que c’est parce que, moi qui, en philosophie, me contente de comprendre le motif, en musique, je me contente du thème. Je vais jusqu’à comettre ce sacrilège de professer que le thème du choral, avec sa régularité rythmique et avant qu’il soit orné, est le génie de la musique occidentale. On ne concevrait pas que la variété procède de Bach, mais elle procède de ce thème du choral non préludé et noyé dans la masse. On a noyé les chorals comme le plain-chant alignait des neumes pour orner une voyelle en évitant d’être syllabique. Je suis pour la méthode syllabique et pour la phrase verbale. J’aimerais comprendre le thème et définir. Pourtant je ne suis pas captatif. Je sais bien que définir, c’est pêcher l’infini dans ses filets et le ramener sur le rivage. A Noirmoutiers, j’ai compris que je ne savais plus bien revenir sur le rivage. Je croyais que j’y revenais, mais Alix a dû me chercher à cent mètres de là où nous avions nos affaires. « Encore, me suis-jegrondé, si je m’étais laissé porter par le courant ! ON peut faire des ronds dans l’eau, mais pas des ronds dans la mer ! A-t-on idée d’un corps obèse qui fait des ronds dans la mer ? » Autrefois, j’avais le pied marin. Au Guilvinec ou sur l’île de Sein, Nathalie et moi mettions nos affaires sur une plage. Nathalie ne se baignait pas. Je me baignais et nous nous appelions par-dessus la mer, pour nous retrouver comme des mouettes. Aux Glénans, Nathalie ne m’a pas entendu lui répondre. Elle m’a envoyé chercher par des sauveteurs qui m’ont dit que j’étais allé trop loin. Je n’ai pas protesté. C’était vrai que je n’entendais plus Nathalie. Un jour, Cathy Venisse m’a dit : « Tu es certainement le plus grand artiste d’entre nous, mais tu vas trop loin Tu tombes trop mal ou tu réussis trop bien. Réussite inachevée. J’ai le goût de l’inachèvement. J’ai le goût de l’inachèvement parce que j’ai peur de l’échec. Ce n’est pas un goût, c’est une peur. Il en va des goûts et des couleurs comme des raisons et des torts : on n’a pas tous les mêmes. On ne devrait pas plus se faire de torts qu’avoir des dégoûts. Pourtant nous n’aimons pas tout. Nous n’aimons pas assez. Nous n’en avons jmaais assez de ne pas tout aimer. Même un livre de sagesse dit qu’ »il y a un temps pour aimer et un temps pour haÏr. » Et si dieu Est Amour ? On n’y voit que du feu, on hait quand même. On n’en a jamais assez d’avoir des dégoûts. On a des dégoûts parce qu’on n’en a jamais assez. Les dégoûts naissent aux enfants parce qu’ils veulent faire payer à leurs parents de les faire manger. Les parents et les enfants ne savent pas qu’ils ont, les uns en donnant la vie et les autres en la recevant, contracté un pacte de déception réciproque. Les parents donent à manger aux enfants et les enfants les déçoivent. Mais ce qui est nouveau, c’est, depuis Freud, qu’on n’honore plus son père et sa mère. On les déshonore en disant à des tiers tous les torts qu’ils nous ont faits. On ne naît pas coupable, mais débiteur. Et on ne veut pas avoir des dettes que l’on n’a pas faites. On n’a pas fait ses dettes, mais l e débiteur se forge un créancier. Il se forge des croyances pour rembourser ses dettes. Come il ne veut pas être débiteur et pour ne pas se croire coupable, il accuse les autres. Le diable est l’accusateur. Il est l’accusateur des autres. Moi, je n’accuse pas, je m’accuse. Je n’aime pas les baffes, mais j’accuse le coup. Je suis le fils d’une mère luthérienne dont le pasteur a écrit : « L’home naît coupable devant Dieu. » Je respecte ce pasteur, mais cette phrase est la plus scandaleuse que j’aie jamais lue. ON se forge des croyances pour rembourser ses dettes. Nietzszche se demandait d’où venait la dette et confiait ne pas voir de relation entre la dete et la douleur. On doit rembourser dans la douleur. Alors on croit comme on se détache, pour trouver un antidot et un antidouleur. La foi est un antidot contre la dette. On croit comme on se détache, et on associe la foi au détachement. J’écris cela avec honte et recul, car si je ne craignais d’être présomptueux, je dirais volontiers que je ne connais persone d’aussi croyant que moi. C’est aussi (pourquoi est-ce que je répète cet adverbe ? Alain Breton m’avait pourtant averti que la poésie ne souffrait pas les adverbes, mais je n’écris pas de poésie) que j’ai perdu la foi très jeune. J’ai toujours dit que mon athéisme fut la période la plus libre et la plus heureuse de ma vie. Pourtant je ne perdrais plus la foi pour rien au monde, à présent que je l’ai retrouvée. Mon frère avait raison, du moment que Dieu nous a trans portés un jour, plus jamais onn ne pourra s’en détacher. On associe la foi au détachement, mais le croyant ne peut pas se détacher de Dieu. On aime pour être possédé. On s’attache à dieu en croyant qu’Il a pris sur Lui notre dette, la dette que nous avions à son égard. Rien n’est vanité, mais tout n’est qu’opposition. Mon personnage se plante dans la pose de l’opposant. Mais cette pose est une figure. Ele a beau être ma figure, la figure est une imposture. Je n’ai rien d’un tartufe, mais souvent je me demande si je ne suis pas un imposteur. Je n’écrirais pas sinon. L’écrivain qui se dit imposteur est un lieu commun. On ne fait pas des phrases pour enfoncer des portes. On écrit pour ouvrir des portes et découvrir ce que l’on pense en ne sachant pas qu’on le pensait. Je ne pourrais pas affirmer que les mots précèdent de la pensée, mais la pensée procède de l’écriture et non seulement du langage comme véhicule. Cette procession et préséance expliquent le mépris de l’oral. Car à bien y réfléchir, on ne pense pas moins en écoutant qu’en lisant. Du moins le croit-on quand on ne lit pas. Sitôt qu’on se plonge dans un livre, on admire le travail de l’écrivain qui a pu dégager une telle pensée. Sa pensée nous pénètre, mais nous ne la retenons pas. Car nous revenons à notre poids de forme, à notre moyenne orale. Nous ne lisons pas des phrases, nous faisons la conversation. Alain me disait que la différence entre le dialogue et la conversation tenait à la préparation. La conversation serait, en quelque sorte, un dialogue improvisé. Mais les phrases n’ont pas préparé notre pensée. Elles formulent de la pensée improvisée.
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