samedi 23 mai 2015

Le désir de l'Esprit plutôt que l'espérance du ciel


(méditation avant la pentecôte).

 

 

« Par la foi, je dois croire qu’il y a un enfer ; par l’espérance, je dois espérer ne pas y aller ; et par la charité, je dois souhaiter que personne ne soit damné. » (Xavier Léon-Dufour).

 

Dans l’évangile de ce jour, saint-Jean pinaille avec ses frères, les autres disciples, lui qui se désigne constamment sous ce nom : « l’autre disciple ». Il pinaille sur la différence qui existerait entre ne pas mourir et demeurer. Et si précisément demeurer était autre chose que ne pas mourir ! Demeurer dans la relation avec le Christ Qui est résurrection et vie, qu’on meure ou qu’on ne meure pas, en sorte qu’ »en mourant, on entre dans la vie » et qu’en vivant, on entre dans la mort, mais non pas dans la mort physique : on vit déjà la vie de l’après-mort, on entre, non pas dans le paradis de l’âme si, en étant autoréférentiel, je confirme que ce paradis de l’âme avant la chute était le narcissisme ; mais dans le paradis de la relation qui est la fin de la Création, non pas  entre la vie et la mort, mais entre les vivants et les morts, car entre le Vivant et mon âme ! On entre dans l’animation de sa vie par l’ »esprit vivifiant » (spiritum vivificantem), par le Souffle du ressucité, plutôt que dans l’espérance du ciel, espérance passive par opposition à la manière dont le Christ nous fait la courte échelle entre la terre et le ciel en étant l’échelle de Jacob, et à la manière dont l’Esprit met le ciel par-dessus le toit, en entrant comme un violent coup de vent qui n’a pas besoin de passer par l’échelle bien qu’Il aime l’échelle, mais l’amour n’a pas d’échelle et l’esprit est Amour.

 

Et l’évangile, disait Marguerite Duras, est une « méditation sur le sens du vent », qui ne nie qu’il en ait et n’ouvre à l’insolite que si l’Esprit, en déboussolant tout, en renversant l’échelle, ne met toute chose à sa place, hors du plan. Mais l’imprévisiblité et l’improvisation ne valent dans une vie, sa mise hors plan, sa sortie de l’architecture, que si c’est l’Esprit qui a présidé au processus de Création et de décréation, à la construction de l’Echelle et à son renversement. Tout homme qui a bâti sa maison sur le roc mérite de la voir renversée par le vent. Dans le conte, seule la maison de Nafnaf peut s’effondrer, pas celle de ses frères, pas plus que la maison de celui qui a bâti sur le sable, car il est en relation immédiate avec le vent, et l’Esprit n’est pas l’immédiation, l’Esprit supose une médiation, l’Esprit supppose la médiation de Celui Qui l’envoie et du désir de le recevoir, parce qu’on est le disciple de Celui Qui l’envoie et parce qu’on participe au principe de la Création, en tant que tout fut créé en Celui Dont on est le disciple, en suivant le sens téléologique de la Création et sa finalité. Je participe au principe de la création parce que je suis le disciple de Celui Qui en est la fin.

 

Tout fut créé à l’échelle et pour le Fils, mais non pas pour l’échelle. Tout fut créé selon un plan, mais pour la déplanification. Et seul est digne d’avoir part à la déplanification et d’être « libéré du connu » celui qui respecte les commandements de l’Échelle.

 

 

 

M

 

 

 

 

 

 

jeudi 7 mai 2015

Organisation et contemplation

J’ai du mal à m’organiser, oscillant toujours entre l’idée que tout est indigne del’activité humaine, qui ne se rapporte pas à dieu, la certitude du caractère indispensable de l’organisation en mettan au premier plan la prière que je fais rarement, et mon goût invincible de la diversion et du pas de côté, qui fait que mes journées ne se déroulent presque jamais comme je les avais planifiées. Un jour, j’avais fait part de ces perplexités à un couple de voisins musiciens, dont luiétai chanteur lyrique et elle, une pianiste exceptionnelle. Je leur disais cela come nous parlions de musique amateur. Je leur demandais pourquoi les hommes s’occupaient de musique. Ils sont tombés des nues. J’ai eu deux réponses hier soir, de deux ordres bien différens, moi qui m’étais entndu répondre par Franck à une question que je lui posais, par Franck qui est persuadé que je vis dans un labyrinthe et que je m’entretiens dans le plaisir d’y vivre : « Me poses-tu cette question pour en entendre l’écho en moiou pour avoir une réponse ? » Sous-entendu, moi, Franck, je peux te donner la réponse, parce que je parle avec Dieu et parce qu’IL me répond, mais surtout parce que je conçois la prière et son extension, la conversation, comme un dialogue qui ne doit pas tourner à vide, mais qui doit entrainer, non pas une conversion de la part de celui qui prie, mais une réponse de Dieu. A l’inverse (et je le disais encore à une catéchiste dimanche dernier, à qui je reprochais, dans les partages d’evangile qu’elle organise en vue des messes emmaüs, de trop recentrer les questions qu’elle invite les fidèles à formuler tout haut), je préfère le catéchisme de la question au catéhchisme de la réponse, le catéchisme par questions-réponses n’est qu’une anticipation peureuse de toutes les questions, à supposer qu’on n’en ait oublié aucune, que l’esprit corrosif ou “éveillé” du non croyant pourrait poser à celui qui a la foi. . Franck et moi avons beaucoup pratiqué ce catéchisme de la question, jusqu’à user les catachistes qui y croyaient. Nous mettions tellement la foi cul par-dessus tête pendant les séances de catéchèse auxquelles nous avions l’obligation d’assister, qu’il en fut un, Sandro, qui m’a dit un jour qu’il ne les oublierait jamais, car cela avait conforté son athéisme. Nous avons donc fait des athées bien que nous ayons toujours été, l’un et l’autre, Franck et moi, terriblement croyants. Heureusement que nous avons aussi permis quelques conversions, ou que nous avons filtré, laissé passé la Grâce de la foi pour quelques-uns, Nathalie m’a dit que je l’avais fait “entrer dans la foi”. . OU nous avons donné le désir de la foi. Le plus beau témoignage que j’en ai reçu fut public, publié sur le métablog par un Thierry qui, désignant l’abbé de tanoÜarn, maître des lieux et moi-même, nous demanda : « eh Guillaume, eh Julien, on fait quoi quand on n’a pas la foi ? » Il y a une manière d’organiser sa vie contemplative. Mais d’abord, il faut que je dise à quel point toute activité humaine qui n’a pas dieu pour objet me semble indigne. Cette indignité ne concerne pas que la musique amateur, elle s’étend à toutes les activités de reproduction et a fortiori de critique des chefs-d’œuvre ou des œuvres déjà produites. Tout mon malentendu avec les études et avec l’Université vient de là qu’à mes yeux, rien ne mérite d’être glosé si la culture qui est précisément cette glose, ne prend pas la mesure que gloser est un acte cultuel. Ma question relative à l’roganisation portait sur le rapport au temps. Comment organiser son temps pour bien l’employer tout en ménageant à l’oraison la place qui lui convient ? Je reçois par dame Glycéra, du “forum catholique”, qui ne savait pas que l’organisation m’avait perturbé ce jour, la réponse qu’y apporte François Malaval, aveugle et mystique marseillais du XVIIème siècle qui écrit ceci : « Ainsi la contemplation, pour vous la définir de nouveau, est une présence fixe de Dieu. Je ne dis pas simplement une habitude, car les habitudes se trouvent même dans ceux qui dorment, et pour cela ils ne méritent rien, parlent en rigueur. Ce n'est pas non plus un exercice ordinaire qui ne se fait qu'à certaines heures et en certaines occasions. C'est un acte continuel qui n'est proprement que la multiplication d'un même acte, mais si doucement et si facilement produit par la force de l'habitude, que l'on dirait que ce n'est qu'un acte seul, comme on voit que les yeux produisent une fois le jour une infinité de regards, mais la facilité naturelle de regarder ne semble les rendre qu'un seul regard. Aussi la contemplation est-elle un regard universel de Dieu présent. Je dis un regard, parce qu'elle est un acte de l'entendement qui est l'oeil de l'âme, comme la volonté en est le coeur. Le regard a cela de propre qu'il se fait en un instant, et qu'il sort de l'oeil sans effort, au lieu que la parole ne sort de la bouche qu'une syllabe après l'autre et ne frappe l'oreille qu'après une succession de temps. Le raisonnement de la méditation ressemble à la parole, il se forme d'une pensée après l'autre, et il est toujours dans une espèce de mouvement. La contemplation au contraire ressemble au regard, elle atteint son objet en un instant, et elle se repose dans l'objet, sans discours et sans pensée. Extrait de : Entretien XII (La vie contemplative), La belle ténèbre François Malaval écrit encore : « Il n'y a aucun attribut de Dieu, Philothée, auquel on puisse réduire ce terme ineffable : "Je suis celui qui suis", ou "celui qui est". (...)Il n'y a donc rien, Philothée, qui nous exprime Dieu plus parfaitement et plus noblement que le silence. » La première phrase reprend la théorie de la substance sans attributs (ou théorie des « dénoms » de dieu comme me l’a écrit le Croissant de lune), qui est à la base de la théologie apophatique et du jeu du Coran avec les quatre-vingt dix-neuf attributs de Dieu qui seront à jamais incomplets puisque leur manque le centième. Les musulmans ne veulent pas exprimer le centième attribut de Dieu comme les juifs cachaient le Nom de dieu dans Ashem et dans le saint des saints au Temple de Jérusalem. Quant à nous, les chrétiens, notre Loi se trouve dans un Nom, et ce transfert de la Loi au Nom (de Jésus) est censé nous affranchir, n’était cette ruse sémantique que dans ce « système en équilibre » qu’est la langue, la racine grecque de la Loi, nomos, est une extension du Nom. L’identification de l’expression contemplative de dieu au silence, dans la seconde phrase de françois Malaval que je viens derecopier, est remarquable chez un aveugle qui, si je me prends pour étalon de la cécité, devrait avoir peur du silence. François Malaval déclare presque bienheureux (d’une vision béatifique ?) ceux qui n’ont pas d’Image de Dieu. Naturellement, cela répond presque dérisoirement aux clercs des années 70 qui prétendaient répondre aux maîtres du soupçon qu’ils n’avaient fait le procès que de « caricature de Dieu « - Stann rougier « adorait » reprendre cette formule en boucle -. Mais j’ai aussi été consulter un thérapeute astrologue sidéral et karmique (« déliez-moi, mon dieu ») qui avait interprété un de mes rêves dont Dieudonné (qui travaillait chez nous et a largement contribué à notre déroute) était l’un des acteurs en suggérant que je rêvais de me donner mon dieu et que je ferais bien. Enfin, Jacques Lusseyran, résistant aveugle à qui Jérôme Garsin vient de consacrer une biographie, disait qu’il s’était toujours fait de l’amour « une grande image « et que ça lui avait permis de rencontrer et de toucher la femme avec des yeux multipliés par le nombre de ses doigts, mais jamais la femme qu’il aimait et encore moins l’amour, car l’amour ne peut pas se tailler ou se faire de grande image. « Que Dieu paraît grand, Philothée, écrit François Malaval, à qui le connait sans images, qu'il est ineffable, qu'il est inestimable ! » La contemplation est « une présence fixe de dieu » en qui nous demeurons de toute éternité. Ce qui rejoint la prédication d’Hervé, qui insistait sur cet aspect de l’invitation de Jésus à demeurer en Lui comme Il demeure en nous en disant qu’il ne s’agit pas de nous mettre à demeurer en Lui puisqu’Il demeure déjà en nous. IL ne s’agit pas de demeurer en Lui puisque c’est déjà ffait. Et il ne s’agit pas de nous donner notre Dieu puisque « revenir à Dieu », même pour qui « n’aime pas les déménagements », c’est retourner chez soi. Demeurer en Lui comme Il dmeure en nous, c’est faire un même usage du “comm” que dans “nous aimer les uns les autres comme IL nous a aimés”, sauf que la demeure ou l’assiette paraissent premières, tandis que, pour aimer, il faut accepter le crucifiement. Aimer est crucifiant où demeurer est naturel. Mais qu’Il demeure en nous avant que nous demeurions en LUi, avant que nous prenions la décision de nous unir à Dieu, voilà qui contrarie nos plans, car “le château intérieur” est déjà construit, et nous croyons que l’aventure humainne, que l’aventure mystique, c’est de construire notre demeure, alors qu’il s’agit de demeurer, etde ne pas céder à l’invitation au voyage si nous voulons “partir” pour aller vers nous-mêmes.