mardi 22 décembre 2015

Conversation restituée


(Ave Simon, mon neveu et filleul, dont je me réjouis, comme me l'a dit Nathalie, qu'il soit devenu mon ami).

 

Le Verbe est le sujet de la parole, inversion des fonctions dans la phrase. Donc en-deçà de la parole, il n'y a pas le langage qui serait venu s'incarner dans l'écriture, d'où serait sortis l'Histoire diurne et l'Inconscient onirique, hypnotiquement structuré comme ce système en équilibre que serait la langue, illusionniste comme cette mythologie qu'est la foi des modernes, où le mythe serait vivant de revêtir une valeur existentielle.

 

Au-delà du sujet de la Parole, il y a son incarnation dans la vérité qui ne parle pas et qui est toujours nue. Cette incarnation n'est pas un habillage, comme l'est la littérature qui, avant de devancer nos croyances par l'illustration qu'elle en donne, est une mise en scène de la vérité. La vérité qui s'incarne ne se met pas en scène. C'est la bouteille à la mer d'une parole qui se lance, et que la rue ne peut pas faire autrement que de ramasser. C'est une parole qui se lance pour devenir enseignement de rue. Ce n'est pas, comme la littérature, un  ensemble de phrases qui se perdent dans le flux d'un texte, trop fluide pour être essoré. La bouteille à la mer de l'évangile s'est retrouvée sur la place du marché, car la Vérité incarnée a voulu montrer à l'homme comment, pour devenir poème, il ne s'agit pas de compter les pieds qui composent les vers, mais de trouver la scansion de la phrase sobre et définitoire, la scansion de l'aphoréstique, dont le canon n'est plus : sujet, verbe, complément, mais sujet, verbe, attribut. La phrase doit devenir thème.  Le thème est la fonction de la phrase. L'attribut est le sujet de la phrase énoncée au sujet du "sujet de la parole" qu'est le Verbe. L'attribut comme action se noie dans le Verbe elliptique de l'être.

 

 

- Dans la langue, les phrases se cassent la gueule. La règle de la conversation, c'est l'interruption. On interompt souvent pour prévenir la chute du tombeur de phrases. La politesse n'est pas la règle, qui laisse un interlocuteur aller au bout de son propos. Mais l'art, c'est sa perfection, érige l'exception en règle. Ainsi fait l'art de la conversation, qui impose de ne pas interrompre, politesse de la règle transgressé journellement par les journalistes qui, de ce que la conversation  se casse la gueule sur les tombées de phrase et les points de suspension de l'interlocuteur qui est pressé de ne pas aller au bout, anticipent de l'interrompre, comme si sa part de vérité devait se perdre dans les sables du sous-développement de l'idée.

 

 

- L'abolition de l'inceste marquerait le passage de l'homme de la barbarie à la civilisation. Notre juridisme très civilisé ne s'en est aperçu qu'il y a quelques années en prohibant la licéité tacite des relations entre frère et soeur. Mais les religions plus andogames avec l'hôte intérieur n'ont pas versé dans cette hypocrisie. D'abord le monogénisme a fait de l'inceste la condition de la croissance de l'espèce. Et puis la religion a voulu chercher quel était, de tous les incestes soumis comme Œdipe à l'exposition, le plus sacré. Elle a jugé immature et malsain que le fils épouse et couronne sa mère, qui veut l'empêcher de se crever les yeux quand il s'aperçoit de sa méprise.Ainsi plaide Jocaste contre Œdipe qui veut la quitter. Mais la religion sublime le geste des filles de Lot et déclare que la relation des filles au Père est sacrée. Comme les filles de Lot, la Création doit être enceinte duCréateur.

 

- La France se croit universelle d'avoir répandu depuis la Révolution un discours qui se croyait humain. Les cités unies de l'Achéie, précurseurs de vingt-cinq siècles des Etats-Unis d'Amérique, ont lancé dans le monde une sagesse universelle et rationnelle, un peu négatrice des enchantements divins. Cette sagesse était sans lumière. Les juifs ont réalisé l'universel en amalgamant des Russes, des germains et des Arabes, dans une même nation à promesse territoriale lointaine et sous condition éthique. Ils ont corrigé leur torah dans l'islam et fait advenir un messianisme spirituel dans le christianisme et un messianisme temporel dans les utopies égalitaires. Les juifs se croient supérieurs pour que l'humanité le devienne. Ou l'humanité leur trouve un complexe de supériorité, car elle ne se croit pas biein représentée par eux. L'universalisme grec ou français est un accident de l'histoire, l'universalisme juif est constatable et génétique. Or il est d'autant plus paradoxal qu'il a un fond territorial.

vendredi 11 décembre 2015

Culpabilité et justification


On peut passer sa vie à se justfiier, à se douaner et à se dédouaner. Tout ne serait une fois de plus qu'une affaire de douane et d'assumer ou pas la part de culpabilité réelle dont nos vies sont marquées et marquent la vie des autres. Assumer la culpabilité n'est pas le fait du chrrétien, assumer n'est pas le mot. Il lui appartient seulement de ne pas nier l'acte coupable.

 

Il n'importe pas qu'il ne la nie pas devant les hommes. S'il choisit de ne pas le faire, il se trouve animé d'une passion de la vérité qui est davantage une passion de l'authenticité ou de la sincérité qu'une passion de la vérité proprement dite, qui est d'essence ontologique et métaphysique, mais non pas existentielle. Si un homme est animé d'une telle passion de la vérité qu'elle se limite à l'authenticité, il en concevra un goût de la liberté qui se limitera à prendre ce mot dans son sens élémentaire et à mon avis pour ce qu'il est : la liberté, c'est la capacité de choisir. Un tel homme n'est pas guetté par l'hypocrisie. Je suis à peu près cet homme-là, animé par une passion simple de la vérité authentique ou de la véridicité et concommitamment pour la liberté de choisir ou pour le libre arbitre. Je ne me sens hypocrite que quand mon visage se fige à mon insu d'entendre ma voix donner son assentiment, par diplomatie, à des opinions que je ne partage pas, mais ça m'arrive plutôt rarement.

 

Au rebours, l'homme qui est animé de la passion de la vérité ontologique telle qu'il croit la percevoir, sera animé de façon corolaire d'une passion de la liberté qui ne sera pas le libre arbitre, mais celle de choisir le bien et d'être libre du mal. Comme il se croit délivré du mal, il se croit libre du mal alors que moi qui crains d'être un sujet de hantise de l'esprit du mal, je prie pour être délivré du mal. L'homme qui croit détenir la vérité et ne faire usage de sa liberté que pour choisir le bien, est prompt à juger son prochain, car c'est en son prochain qu'il voit le mal qu'il ne voit plus en lui-même. Et il sera prompt aussi à l'hyypocrisie parce qu'il se voilera la face, se mentira à lui-même et croira avoir atteint le but du bien et du beau qu'ilembrasse dans la contemplation et par la considération des idéalités et des finalités ontologiques, qui ne sont pas réalisées. Toujours cette différence entre vérité et réalité : le véridique, mon premier type humain, est un réaliste, il a la passion du réel ; le véritable est un idéaliste

 

N'importe que les hommes choisissent tel ou tel type humain, telle attitude devant la vie, les uns ayant la passion de la lucidité et de la liberté, les autres de la vérité et de la liberté spirituelles, même si le plus spirituel n'est pas nécessairement celui qu'on croit, si qui trop fait l'ange fait la bête, parce que le christianisme aintroduit à un suprême degré le paradoxe – le christianisme est le paradis du paradoxe - : Dieu renverse la table et les puissants de leur trône. Celui qui se croit être quelqu'un ou quelque chose est souvent le contraire de ce qu'il croit. Le bon usage de la culpabilité en christianisme est de ne pas la nier. Facultativement de ne pas la nier devant les hommes comme un homme passionné d'authenticité et de libre arbitre, en toute hypothèse de ne pas la nier devant Dieu avec l'homme passionné de liberté et de vérité ontologique et spirituelle. Mais ne pas nier ses actes coupables n'est pas les assumer et encore moins les justifier. La confession n'est pas la justification. Ce qui constitue la justification est que les actes confessés sont assumés par un Autre qui les efface jusqu'à nous les faire oublier.

On n'a ni à se douaner ni à se dédouaner. On peut reconnaître le point de passage en soi de la frontière du bien et du mal, maison a passé la frontière. On est de l'autre côté du côté obscur de la force. On reste dans l'"ambivalence des sentiments" et on ne croit plus que c'est l'intention qui compte, mais on n'a pas à faire coïncider nos intentions avec leur résultat que sont nos actes. On est responsable de ses actes, mais c'est Dieu Qui juge le résultat. Ce n'est pas exactement qu'Il le juge, Il letransforme, Il le produit. Il le produit parce qu'Il est notre justification, sans aucun mérite de notre part, du seul fait que nous ne sommes pas dans la dénégation. Dieu peut justifier qui Le renie, mais Il ne peut pas justifier qui se renie.

 

La Rédemption est un transfert de justification : je n'ai plus à me justifier dès lors que je me reconnais. Plus je vais et plus je trouve que le dogme chrétien le plus extraordinaire est la rémission des péchés. La rémission des péchés ne fait qu'exprimer au sens plein ce qu'est la Rédemption. C'est peut-être pourquoi le credo ne comporte aucun article qui mentionne expressément la Foi en la rédemption. Quand on confesse croire en la rémission des péchés, on ne fait que dire en le développant qu'on croit en la Rédemption. Et la Rédemption est un transfert de responsabilité par lequel Dieu Qui nous a créés devient responsable de nous-mêmes. C'est un transfert de responsabilité et de justification qui ne nous coupe pas les jambes, mais qui nous demande d'avoir les pieds sur terre et la têteintègre et lucide, "un fond éthique imprenable" comme me le disait Hervé, une pleine conscience de ce que nous faisons, que ce soit enbien ou en mal, puisque ce n'est pas nous qui transformons le plomb en or ni le mal en bien.

 

Quand nous nous demandons pourquoi nous aurions à être sauvés puisque nous n'avons pas demandé à naître, nous posons une question légitime, mais qui passe à côté du problème. Nous raisonnons comme si nous avions à nous justifier. La Rédemption, c'est l'affirmation que nous n'avons pas à nous justifier puisque Dieu en nous créant, S'est engagé vis-à-vis de Lui-même à être responsable de nous. Nous n'avons plus qu'à être au diapason de ce transfert de justification. Cela peut commencer par nous donner une latitude jubilatoire : "Aime et fais ce que tu veux", nous exclamons-nous pour prendre de l'envol. Mais bientôt nous manquons de souffle. Nous prenons de l'envol, mais bientôt nos ailes sont coupées, car le revers de la médaille, c'est que notre libre arbitre n'est jamais si grand que nous puissions prétendre être les créateurs de quoi que ce soit. Nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu.

 

Dieu a pris la responsabilité de nous sauver parce qu'Il nous a créés. En contrepartie, nous ne créons jamais pleinement. Nous retrouvons de l'existant, nous organisons avec le Créateur d'autres combinatoires, mais nous neforçons pas le destin. Nous créons dans un périmètre parce que nous sommes paramétrés : "Tout vient de Lui, tout est pour Lui, qu'Il nous délivre !" C'est en ce sens que les austères qui ravalent la liberté  à une liberté de ne choisir que le bien n'ont pas tort : nous ne sommes libres que dans un certain périmètre.

 

Le changement de regard sur la culpabilité humaine permet à la faculté de juger de s'exercer en sortant du manichéisme. Pour moi, personnellement, humainement, existentiellement, pour l'équilibre de ma pensée, il est très important de pouvoir juger sans être manichéen. La sortie du manichéisme permet à la faculté de juger de s'exerceren toute liberté. Elle lui permet de s'exercer sans violer l'interdit de juger, car l'interdit de juger n'exprime qu'une seule chose : c'est que l'homme n'est pas la mesure du bien et du mal, et surtout pas la mesure du bien et du mal d'autrui. C'est pourquoi l'Eglise, qui a toujours affirmé qu'il y avait un enfer et dont les plus généreux membres ont espéré qu'il n'y avait personne dedans, s'est toujours interdit de dire qui était en enfer. Il n'y a que Dante en raison de la poésie ou Sainte-Thérèse d'Avila par vertu visionnaire qui se soient affranchis de cet interdit et permis de dire qui ils voyaient en enfer, mais ils l'ont fait de façon métaphorique et ont jeté en enfer tous leurs ennemis, comme Luther pour Sainte-Thérèse d'Avila et, pour Dante, tous ceux qui n'étaient pas de sa brigue. Ils ont jeté leurs ennemis en enfer parce qu'ils n'avaient pas complètement accepté le transfert de justification que constitue la Rédemption.