samedi 21 novembre 2015

Méditations barthésiennes


Envie de lire, envie d'écrire, avec ce paradoxe qu'on écrit pour fixer sa pensée et au hasard de ses envies, pour surprendre dans quel ordre surgissent ces envies d'écrire et si cet ordre est moral.

 

Kevin a téléphoné à Nathalie, c'est ce qu'elle attendait depuis neuf ans.

 

Je suis tranquille, j'ai commencé par là, j'aime Nathalie.

 

Mais je suis en train de lire Virginia Wollf et son roman les vagues, que je trouve nettement supérieur à la promenade au phare, que Pierre bourdieu a préféré commenter.

 

Il y a une irrisation esthétique qui s'étend comme une gerbe (j'emprunte le mot à Virginia), d'elle à Nathalie Sarraute, ou encore à Proust et à falkner.

 

Que pouvait penser la Nathalie Sarraute de l'ère du soupçon des Vagues de Virginia Woolf, sachant qu'elle détestait que le romancier typifie des personnages, et que les vagues ne sont que l'expérience littéraire d'une typification poussée jusqu'à son terme ?

 

Parmi les types proposés par Virginia Wollf dans les vagues, c'est dans Bernard que je me reconnais. "J'invoque Bernard", je suis Bernard. Je pourrais m'identifier à Louis parce qu'il a "une pyramide sur les épaules", et Nathalie m'a dit souvent que j'avais un rocher sur les épaules. Mais non, je ne comprends rien aux pyramides.  L'Egypte ne m'a jamais faxsciné. Je mourrai comme bernard en regrettant de ne pas avoir lu les védas.

 

Virginia Woolf annonce Falkner parce qu'elle parle d'un poème sans ponctuation.

 

Elle me renvoie aussi à ce que les gardiennes de la maison de la petite Thérèse aux buissonnets me disaient, coomme j'étais en visite à Lisieux aux alentours du 11 septembre en pensant à ma cousine Nathalie qui rêvait de "réaliser ses yeux" : un seul livre suffit. Les gardiennes des buissonnets ne se lassaient pas de relire sainte-thérèse et d'avoir les manuscrits de Sainte-thérèse pour unique livre de chevet. Les manuscrits autobiographiques ayant servi à la récollection de l'histoire d'une âme leur paraissait le seul livre digne de mériter une exégèse. Je ne peux me résoudre à ce que la Bible ne soit pas le seul livre à mériter l'effort exégétique, et c'est pourquoi je m'en prends à la culture dont j'accuse l'arbitraire, cependant que je ne supporte pas que l'on concilie foi et mythologie.

 

Je me réjouis de pouvoir lire des Virginia et des Nathalie(s), ces prénoms si beaux.

 

Je me dis que le type dans lequel se retrouverait Nathalie, ma cousine,  dans les vagues de Virginia woolf serait roda qui a fini par haïr les hommes dont les paroles interrompaient ses pensées et parce que les voir si sûrs d'eux dénonçait son décalage.

 

Je me dis aussi que l'auteur des mythologies, Roland barthes, a subverti notre perception du Logos en incarnant le Verbe, non dans un corps, mais dans un langage, à la structuration duquel serait configuré ou métaphoriquement analogué notre inconscient, dont le mystère vient se perdre dans ce faux équilibre du "système en équilibre" que se croit la langue, pensée par les linguistes comme une balance bien régléeentre règles et variations. Le Verbe incarné dans le langage résout le déterminisme de l'écriture, mais ne résout que cela.

 

Dans Les vagues de virginia Woolf, Louis ne se console pas d'avoir "une dissonance à résoudre, une erreur à corriger", et se prépare à vieillir en frappant de sa canne à pommeau les pavés de sa cité. Je me suis souvent dit que l'essence de l'harmonie était de démontrer que rien ne pouvait se résoudre, comme l'essence de l'écriture est de montrer que rien n'est plus déterminé que le génie. Le génie est le refuge du génitif, du complément de détermination, et la preuve que la création se fait par imitation, selon l'idée d'Alain, qui oppose la liberté à la voie de l'imitation.

 

Sur Alain,l'incandescence est l'état naturel de ce grand timide.

 

J'ai écrit à alain qu'il ne pouvait se faire à mon narcissisme, mais mon narcissisme est plein de visages.

 

Tout à l'heure, me suis entretenu successivement avec Agnès et N.t., et j'ai préféré l'entretien avec Agnès, parce qu'entre nous, il y avait une vraie relation. De quoi me demander si F. carrigère n'a pas tout de même raison de postuler que l'homme est relationnel. Les égolâtres ont établi paradoxalement que la relation subsume l'individu, qui ne se justifie pas sans elle. La primauté accordée au langage sur le corps s'explique dans la logique relationnelle, dont procède l'insertion du Logos dans un "système" trinitaire, mais non pas en tant que verbe et que verbe incarné.

 

Hier, Maryse m'a déboussolé en me soumettant une interprétation assez curieuse du refus du "filioque" par les orthodoxes.Pour elle, que l'Esprit ne procède pas du Fils voudrait dire qu'à supposer qu'il y ait pluralité des mondes habités, il y aurait un christ différent par espèce à sauver, et le Christ que nous adorons n'est en effet que "le Fils de l'homme". J'ai voulu lui opposer Steiner pour rester dans son monderéférentiel, mais elle avait prévenu mon objection en disant qu'elle s'opposait à lui sur ce point comme sur bien d'autres. Je me suis rabattu sur l'argument qu'à supposer qu'il y ait autant de figures incarnées que d'espèces à sauver, il n'en demeurerait pas moins qu'unique serait le processus de christification, au terme duquel l'Esprit procède bel et bien du Père et du fils, dans la mesure où ce n'est rien d'autre que leur Amour qui plane sur tout ce qu'ils ont l'intention de créer.

 

Il y a toi, il y a moi, et il y a la relation, dit-on aux amoureux. Ca paraît absurde, et pourtant c'est au fondement du "système trinitaire".C'est aussi ce qui permet de dire qu'il n'existe jamais si grand narcissisme qui ne soit à base relationnelle, soit qu'il ait besoin de relations pour se montrer comme narcissisme, soit que des êtres en relation avec le narcissique le justifient en l'idéalisant, parce qu'il vit sans sublimation au paradis retrouvé de l'âme, innocente d'être nue.

 

En quoi l'Esprit procède bien du Père et du Fils me paraît beaucoup moins difficile à concevoir que l'association par laquelle le Verbe est Fils.

 

Pourtant, ce matin, je me suis senti fils, je ne sais pas pourquoi. Je me suis dit que je vivais ces choses en tant que fils. et cela m'a ramené à ce rêve où j'ai entendu la voix de ma grand-mère maternelle que je n'ai jamais connue. Je ne l'ai pas à vrai dire entendue, mais je l'ai imaginée. Nous revenions d'un enterrement avec Nathalie, ma mère et Théodor, mon grand-père, de qui je dois rêver une fois tous les dix ans. Et là, chez ma mère, en prenant l'apéritif, nous regardons un film super 8 (mettons que ce soit un film super 8), où l'on voyait comment Théodor s'était lancé à la conquête de ma grand-mère maternelle, une grande dame, vers laquelle son avion, progressivement,fondait. D'abord elle ne le voyait pas ; puis elle perdait son premier mari auquel Théodor l'enlevait. A ce moment, gilles a surgi. Il était important qu'il surgisse puisque ce documentlui était destiné. C'est lui, l'archiviste de la famille, lui qui s'intéresse aux documents. Mais c'était pour moi que dans le film, on entendait la voix de la conquête de mon grand-père, voix qui toujours le surplombait, tandis qu'il s'affairait autour d'elle, perpétuant son engagement jusqu'à lui survivre, et le perpétuant dans l'appartement même au couloir longiligne qui avait été le cadre de la deuxième partie de leur vie maritale et de l'enfance de ma mère.

 
Subversion du verbe incarné en langage structuré, miraculeux modèle d'équilibre venant briser le mystère de l'inconscient, ai-je dit. Mais Myriamm, la gouvernante adventiste de notre résidence, a dégagé pour moi une autre loi. Selon elle, le progrès dans l'histoire n'existe pas, mais au contraire, tout se dégrade, et tout continuera à se dégrader jusqu'à la parousie. La technique pourra progresser, mais ce ne sera que le moyen de hâter l'autodestruction de l'homme, et le Fils de l'Homme viendra pour canaliser cette autodestruction, pour ne pas permettre qu'elle se parachève. Sa Rédemption viendra comme une limite à la dévastation et non après une grande dévastation.

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