mardi 8 janvier 2019

Le potentiel et le réel

Léon Bloy tempétant contre les bourgeois qui veulent « [être poètes à leurs heures »] a raison de noter que le poète ne saurait l’être aux heures des autres, car la poésie le métabolise de telle sorte qu’il ne puisse rien prévoir qu’improviser. Imprévisible improvisation ! Dans le même genre, il a l’air de dire que le potentiel est plus beau que le réel. (On est loin du « RETOUR AU REEL de Gustave Thibon que j’ai entendu évoquer deux fois en deux jours, alors que je ne connaissais pas ce livre. Le potentiel est plus beau que le réel parce qu’il n’a pas été investi, non d’efforts, mais de capital, voire de capital personnel. La création n’est pas une mise en gages, un en-gagement. La création est une évidence. Dieu créée par un évident besoin de sortir de Lui-même. L’investisseur est celui qui ne sait à quoi bon employer son temps ou son argent. Le temps et l’argent s’emploient d’eux-mêmes, inutile de chercher à les maîtriser. Le temps et l’argent sont des choses, même si le temps fait partie du phénomène humain, est le train dans lequel l’âme roule à son évasion, à son accomplissement, àsa mise en dehors, à sa révélation. Le temps et l’argent sont des choses, il ne faut maîtriser que soi. Un jour, T.M. me disait : « Vous avez un sacré potentiel », et cela m’a paru faux, non que j’aie du potentiel, mais on n’est pas son potentiel, même réalisé. Le réalisateur de potentiel monte sa vie comme un film montrable. Le potentiel non réalisé aime mieux être regardé comme un « monstre prometteur », moins pour que sa vie ne soit pas montrable, que pour qu’elle n’emprisonne pas le possible et démontre la promesse.

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