jeudi 15 avril 2021

Pour en finir avec le jugement de Dieu

<p> Depuis quelques jours, il me démange, non pas d'"en finir avec le jugement de Dieu" comme a prétendu le faire Antonin artaud dans une oeuvre assez insoutenable, mais d'affronter l'absurdité de cette question: pourquoi l'homme a-t-il imaginé un Créateur qui l'ait créé par amour et pour lui demander des comptes? <p>


J'entends bien ce qu'un prêtre de mes amis oppose à cette question à chacun des enterrements qu'il célèbre: "Toutes les civilisations croient au jugement final." Et d'ajouter: "Mais seul le christianisme nous explique que nous serons jugés sur l'amour, l'amour que nous aurons donné et l'amour que nous aurons reçus." <p>


La croyance dans le jugement de Dieu peut venir de la précarité de la condition humaine. L'homme précaire a commencé par s'assurer contre le danger en espérant que les dieux accueillent ses initiatives sous un jour favorable, que ses entreprises soient couronnées de succès et n'entraînent pas sa chute. Il s'est assuré de Dieu en devenant religieux contre la peur. La religion a ses racines dans la superstition et ne peut les renier en croyant faire preuve de largeur d'esprit qu'au prix de nier une partie de sa nature instinctive. L'homme qui joue à être un ange intelligent se prive à son détriment de sa part animale. <p>


La peur n'évite pas, attire et brave le danger. Le jugement est une adrénaline morale. Sans enjeu, pas de vie humaine. L'homme réduit à ne pas jouer sa vie s'évanouit dans une insignifiance jouissive où le pari n'est pas nécessaire et où il suffit de se donner la peine de naître et de se contenter de vivre pour être justifié d'exister. Etre jugé est pour l'homme un aiguillon vital et une exigence morale. <p>


Sur quoi se greffe le sentiment de culpabilité qu'il est bien difficile -et pourtant nécessaire- de jeter à la mer -avec lucidité-. Car plus la vie s'allonge et plus on s'aperçoit qu'on a fait des fautes et commis l'irréparable, d'autant qu'"on écrit sa vie à l'encre indélébile", comme l'affirmait tranquillement le Père Xavier de Chalendar. Un des cris le plus souvent poussé par le psalmiste est: "Ma faute est toujours devant moi." J'ai entendu un jour serge de Beketch, brillant esprit d'une droite extrême traitant de la religion séculière lors d'une université d'été de "Renaissance catholique", déplorer que les chrétiens croient aujourd'hui que Jésus est venu pour nous libérer de la culpabilité et non pour nous sauver du péché. Il assimilait cette mission rédemptrice de substitution attribuée à Jésus par notre époque à celle que s'assignait selon lui la psychanalyse. Je ne crois pas que la psychanalyse efface notre dette, dont Freud avait le sentiment diffus que nous l'avions contractée dès l'origine. Elle ne nous apprend pas non plus à nous en acquitter, mais à ne pas en rajouter. La psychanalyse n'est pas une école de l'innocentement, comme le sont trop de thérapies empruntant à la psychologie de comptoir. <p>


La justice pénale humaine a toute sa raison d'être. L'homme ne demande qu'à réparer. Mais Jésus nous apprend à nous déjuger. Il ne nous dit pas qu'est nul notre besoin d'être jugé. Il ne le nie pas. Mais Il commence par dire qu'Il ne vient pas pour juger le monde, que, si jugement il y a, il est intérieur à la personne qui le porte sur elle-même qui peut s'en libérer pour avancer. et Il vient mettre nos péchés à distance de nous pour qu'une vie ne soit plus appréhendée dans les péripéties qui paraissent la figer pour toujours, mais dans le dynamisme de ses reconstructions. Un ami me disait même que c'est cela, la résurrection de la chair. <p>

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