vendredi 2 janvier 2015

Du peuple de Dieu (suite)

4. Mais que recouvre encore l'émergence de la conscience du Peuple de dieu, que dis-je, son accession à l'infaillibilité ? Les chrétiens ont eu un mal fou à former des sociétés laïques. Ils ont beau en remontrer à la terre entière à ce sujet, la laïcité ne leur est pas naturelle, car la séparation de l'ordre de César et de celui de Dieu en période d'occupation avait quelque chose de sibyllin. Les sociétés chrétiennes ne se sont jamais faites à la simple idée du corps politique, et que la société était plus qu'une alliance de raison entre des créatures. Chaque fois que les moerus changent, il y a des chrétiens pour agiter les lois non écrites et nous refaire le coup d'"antigone, réveille-toi, ils sont devenus fous… Ils ne croient plus que Thèbes souillée avait raison d'expulser ton père Œdipe hors de la cité. Oh, brave Antigone, toi qui fis bien d'accompagner cette branche pourrie d'Œdipe en son errance, tu es plusa dmirable d'avoir donné une sépulture à ton frère, car l'homminisation commence avec la sépulture bien que le Christ ait dit de laisser les morts enterrer leurs morts, mais ce sont les paradoxes de la civilisation chrétienne…" Antigone est ressortie au moment de la loi sur le mariage gay qui, si le corps social avait été en santé, aurait dû être l'occasion d'une franche rigolade pour ceux qui trouvaient à redire à cet acte civil. "T'as vu, papa ? ON fait tout à l'envers et les messieurs se marient avec les messieurs." Sij'écris cela, c'est que cette partie de rigolade, je l'ai eue avec mon père. C'était il y a trente ans, on se plaçait dans l'hypothèse, que nous croyions fort probable, où le mariage des homos (on disait autrement alors) serait permis et ça nous faisait rire. Nous étions loin d'imaginer que le "mariage pour tous" puisse déclencher une hystérie comme "la manif pour tous" ! De quoi s'agissait-il avec la loi Tobira ? Il s'agissait de savoir si une nation souveraine avait le droit de fixer dans son droit positif des réalités qui dépassaient le biologisme prétendu de la prétendue loi naturelle. A tourner religieusement la question, si l'on partait du principe assez peu "gay friendly" qu'un mariage homosexuel serait "une abomination pour Yahvé", il s'agissait de savoir si la nation, en tant que corps politique, avait le droit comme une personne humaine de jouir de sa liberté alternative ou duelle et de dire qu'elle ne voulait pas se conformer à la loi de dieu. Un corps politique bénéficie-t-il des mêmes prérogatives qu'une personne humaine ? La partie audible de l'Eglise a répondu bruyamment que non. Or tel était le corps politique quand il ne faisait que se prononcer sur son adhésion à une loi, qu'il la croie vraie ou fausse. La politique, croyait l'Eglise, n'était là que pour amoindrir les occasions de pécher. Autant dire que l'Eglise a longtemps cru au "minimum politique". Or voici que le pape fait cette révolution de vouloir accorder au peuple l'infaillibilité, non seulement de sa conscience morale et de sa détermination par rapport à la loi, mais de la détermination de la loi, y compris la lex credendi. Il démocratise jusqu'à la vérité. Je ne dis pas qu'il met la vérité aux voix, car ce n'est pas tout à fait au peuple qu'il accorde l'infaillibilité, c'est au "sensus fidei" du peuple, c'est à son instinct de ce qui est juste au point de vue religieux. Il s'attend que le peuple trouve ou sécrète les formules dont il a besoin pour exprimer le dépôt de la Foi d'une façon évolutive et qui manifestent la croissance interne de la conscience de ce trésor et de ce dépôt. Moi, je suis pour.:Sauf que : a)cette confiance dans le processus immanent de sécrétion par le Peuple de Dieu des propres formules de sa Foi a été très bien décrite par Saint Pie X dans "pascendi", mais pour être condamnée. Saint-Pie X avait merveilleusement compris ce qu'il nommait le modernisme, domage qu'il en ait eu peur ! Si la condamnation du modernisme est levée, le christianisme va enfin pouvoir entrer dans la modernité. Encore faudrait-il le signaler et peut-être le signaler dans une déclaration solennelle. b) Je crois depuis tout gamin dans la démocratie directe et dans la démocratie comme le régime le plus adéquat pour un corps politique, mais non comme direction à doner par avance à ses décisions. Le régime démocratique pourrait donner au peuple l'appétit de faire ce que la démocratie directive ou directionnelle, en tout cas la démocratie de direction le dégoûte de faire. Je suis tellement absolument démocrate par inclination que j'ai mis longtemps à perdre mes écailles et à comprendre qu'on avait raison quand on me disait que la démocratie absolue n'était pas une bonne chose. La démocratie ne va pas jusqu'à cet absolu de pouvoir se prononcer sur le caractère de vérité d'une question. La démocratie ne détermine que son efficience à un moment donné, compte tenu du degré d'adhésion du corps politique, dont la souveraineté se limite à dire ce qu'il veut faire ou ne pas faire, non ce qui est bon ou mauvais. La souveraineté est un abus de langage et ne convient qu'à Dieu. Seul Dieu Est Souverain, car Il est bon et sait ce qui est bon. La démocratie est une sorte de souveraineté morale du peuple sur sa propre morale et non sur toute la morale. c) La papauté avaitconfondu dans une même infaillibilité, à mon avis à la suite d'une erreur de jugement, la Foi et la morale. Après avoir laissé le peuple dans l'infantilité démocratique, l'Eglise consent désormais et tout d'un coup, moins à ce qu'il se détermine sur ce qui est de son ressort, la morale ou sa morale, mais qu'il dise le vrai de la Foi. Elle reste donc frileuse en matière morale et fait faire au peuple sans préparation le grand saut dans l'inconnu de la Foi. Le pape a beau fustiger notre semi pélagianisme, cette révolution des mentalités va lui faire croire que la Foi n'est plus un don de Dieu, mais que c'est le peuple qui se donne la Foi. Il va de là vouloir glisser à la morale et ne pas comprendre que le libéralisme fidéiste n'a pas son équivalent, parce que l'Eglise a peurdde l'inconnu moral, dans un libertarismemoral. Le peuple risque de ne pas avaler cette dernière couleuvre, sans comprendrequ'on ne le fasse pas passer au vote sur les articles de foi ou la discipline éclésiale. Que si on organisait effectivement une vraie synodalité du peuple de Dieu, celle-ci se mettrait en place avant la collégialité des évêques et tandis que le concile de Bâle a été impuissant à faire entendre que le concile l'emportait sur le pape. d) On passe donc directement de l'âge des nations avec leur petite souveraineté morale qui n'a jamais pu se mettre en place à l'âge du peuple, souverain dans sa Foi. Si je l'exprime en termes de peur, ce grand écart n'est-il pas dangereux ? Et peut-on négocier le saut dans l'inconnu de la Foi aussi longtemps que l'Eglise aura peur de la morale ? Peut-on le négocier sans expliquer plus clairement au peuple que la démocratie religieuse n'est pas l'enjeu de ce grand saut, mais seulement l'instinct religieux ? Faute de fournir cette explication, ne doit-on pas redouter que les attentes démocratiques du peuple une nouvelle fois trompées, il n'en soit que plus en clin, après tant de détournements démocratiques, aux captations d'une démocratie détournée à son profit sans que cedétournement soit pllus sain ? Ne doit-on pas craindre que le peuple essaie de capter un pouvoir qu'il devrait avoirau moment où l'on voudrait que les antennes de sa Foi captent le contenu de la Foi ?

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