Nous autres poivrots, nous savons
que nos cellules sont mortelles et que l’apoptose est devant nous. Nous ne faisons
que la manifester plus manifestement.
« Vous, Julien, vous êtes
trop destroy, me disait Laurence Loisier, assistante sociale de Robert buron
qui permit à Nathalie de retrouver Kevin.
- Excepté que je ne détruis
que moi-même », objectais-je sincèrement. Les choses ne sont jamais si
simples et la destruction est toujours contagieuse, mais la faute n’en est
point au malade.
Parlons plutôt de l’âme ! Agnès publie sur son
mur : « Et si l’âme est chère à
l’homme,
Souvent l’homme chérit la lame.
Là où l’homme a mis la lame,
L’âme a mis les voiles. »
(Vianney - chanteur)
Souvent l’homme chérit la lame.
Là où l’homme a mis la lame,
L’âme a mis les voiles. »
(Vianney - chanteur)
Je n’ai pas mordu à l’hameçon de
l’âme-chair, mais il me souvient à présent que j’en avais fait un poème qui
s’appelait Les fourmis. Je l’avais rédigé à chante-merle, maison de repos
psychiatrique où Nathalie prenait le frais. Nos simulacres avaient été moins
anodins que d’habitude, sans que nous ayons consommé notre amour jusqu’à la
pénétration – mon sabre n’avait point consenti à transpercer
l’hymen -.
« Vianney se trompe, Agnès, car la
Parole de Dieu est une épée à deux tranchants. »
- En étant peut-être
moins péremptoire, on peut envisager à la fois une certaine souplesse de vue et
aussi de la poésie allitérative...
- J'ai cessé d’allitérer
à propos de l'âme du jour où un astrologue karmique et sidéral transpersonnel
(je crois décliner à peu près correctement son métier tel que lui-même le
définissait) m'a fait connaître ma méprise: là où j'entendais "l'âme du tareau",
il fallait lire "lame".
Qu'oyais-je ? Il fallait trancher l'âme
avec des lames ? Le pape, le diable et qui sais-je ? Pas osé aller
plus loin de crainte que la terre me vomisse, peine à laquelle le Lévitique
condamne ceux qui s'adonnent aux arts divinatoires. Mais réfléchissons.
Trancher l'âme. Les divisions que nous faisons en elle entre la raison, les
passions et les aspirations, l'appétif, le sensitif et l'intellectuel, ne
sont-elles pas autant de manières de la couper en rondelles pour la vendre au
détail? Notre âme serait la proie de ses alégories. Ou autre position moderne
du même vieux problème: quand je m'inscris sur un réseau social, je m'abonne au
flux de telle âme avec qui je désire communiquer. Or que me livre-t-elle ?
Telle un serpent à sonnette, elle ne m’envoie que ses ondes réactionnelles,
par lesquelles elle pare vénéneusement à ce qu'elle envisage a priori comme une
agression. Agression-réact ion. On est passé du réactionnaire au
réactionnel. Du coup on se place dans une configuration très thérésienne
d'Avila dans Le Château intérieur: On a soif des dernières demeures de
l'âme de ceux qu'on aime et on n'est invité que dans celles où il y a des
bêtes. Le moyen d'en sortir? Peut-on parler hollistiquement de l'âme? ô
Agnès! Forgez l'esquisse d'une théorie, d'une thérapie ou d'un discours! Le
défi emphatique est plus sérieux qu'il y paraît. »
Agression
sexuelle ? #BalanceTonPorc ? Le Lévitique ferait mieux de condamner
les peine-à- jouir. J’ai de plus en plus envie de me vider les couilles, mais sans
objet grand A. Inquiétude. Et dire qu’il fut des carêmes où je prenais la
résolution : « Ne plus me masturber ! » En moyenne, je la
transgressais une fois par carême. J’allais laver mon sexe de l’empreinte de la
pollution et, après mon sexe, c’était ma vocation que je rendais
velléitaire : « Je ne céderai pas à cette fille qui, dans un accès de
désespoir,m’a supplié : « Reste avec moi ! » Dans un
article que j’intitulais esprit du
monde, vice et solitude, je posais, sans appel, ce
diagnostique : « Tu t’aimes toi ! Tu ne peux pas aimer les
autres puisque tu les désires. Tu ne dois pas aimer les autres en les
désirant. » J’ai châtré mon désir de passer ma vie avec ma suppliante.
Elle n’est plus. Elle n’est pas morte de ce que j’aie cessé de la désirer
– je n’ai jamais cessé -, mais c’est tout comme. Chez moi, des années
plus tard, je l’entendis sur le lit du bas accompagner son désir d’être mère
d’un souffle qui aurait pu mettre un enfant au monde. Elle ne voulait plus
faire d’enfant avec moi. Elle n’est plus. De ce que je ne l’ai pas désirée au
bon moment, elle laisse deux orphelins.
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